MICHEL-ANGE (A. Konchalovski)
Andreï Konchalovski, réalisateur du film biographique Michel-Ange sorti en 2019, est né le 20 août 1937 à Moscou. Petit-fils du peintre Piotr Kontchalovski, fils de l’écrivain Sergueï Mikhalkov, frère du cinéaste Nikita Mikhalkov, Andreï Konchalovski (qui orthographiera son nom sans « t », à l’anglo-saxonne, à partir de sa carrière hollywoodienne) fréquente très jeune le milieu des nouveaux cinéastes soviétiques dont Andreï Tarkovski, avec lequel il écrit notamment les scénarios de L’Enfanced’Ivan (1962) et d’Andreï Roublev (1969). Il devient lui-même réalisateur dès 1964 avec Le Premier Maître, fort bien accueilli, et Le Bonheur d’Assia (1969). Après Sibériade (1979), il passe les années 1980 aux États-Unis (Maria’sLovers, 1984 ; Runaway Train, 1985…) puis revient à Moscou en 1990 pour aborder tous les genres et adapter souvent des classiques. Chers camarades (qui évoque une révolte ouvrière en URSS en 1962) a reçu le prix spécial du jury au festival de Venise 2020.
Un génie dans son temps
Quant à son vingt-deuxième long-métrage, Michel-Ange (2019), il se démarque radicalement de L’Extase et l’Agonie (The Agony and the Ecstasy, Carol Reed, 1965, avec Charlton Heston), dernière superproduction consacrée à Michelangelo Buonarroti. Dans la longue vie tumultueuse de celui qui fut tout à la fois sculpteur, peintre, architecte et poète, Konchalovski choisit de dramatiser six années qui, après l’achèvement de la voûte de la chapelle Sixtine (1512), opposèrent les familles Della Rovere et Médicis et, à travers elles, Rome et Florence, lorsque le pape Léon X succéda à Jules II. Il s’agit ici de reprendre le principe d’Andreï Roublev traitant d’« un artiste et son siècle » (A. Konchalovski, Positif no 712, juin 2020). Cette fois, l’époque abordée est la Renaissance, « temps de honte et de trahison » selon les mots de Michel-Ange lui-même, mais aussi temps où l’amour de la beauté se délivre du poids du péché qui avait écrasé tout le Moyen Âge (c’est le sens du titre original du film, Il Peccato).
Cette situation où il faut louvoyer et négocier avec les mécènes pour obtenir les moyens de créer occupe alors toute l’énergie du sculpteur qui s’épuise à maîtriser l’ingénierie aux dépens de la création,si bien que, concevant des projets d’ambition démesurée, il laissera nombre d’œuvres inachevées ou demeurées à l’état de projet, comme le tombeau de Jules II dont seul le Moïse fut effectivement sculpté, ou la façade de San Lorenzo à Florence. D’où cette impression d’un génie trop grand pour le monde, que l’on voit évoluer dans la boue, la misère (sa famille l’exploite), la saleté, le sang et la violence. Ces combats où le raffinement de l’art doit forcément composer avec l’argent et la politique, Konchalovski les a connus en URSS, puis à Hollywood, aujourd’hui en Russie et dans l’Europe des banquiers. D’où un sentiment d’authenticité dans la description de la pression subie et de l’habileté de Michel-Ange à « faire passer ses idées en contrebande » (Konchalovski), comme lorsqu’on le voit justifier la nudité de ses sculptures face à l’Inquisition.
L’impression d’inachèvement est tenace, tour à tour angoissante et génésique. Le film s’ouvre et se conclut avec une scène montrant Michel-Ange marchant pieds nus sur un chemin de Toscane, d’abord de dos en maudissant Florence, puis de face, pressant dans ses bras la maquette de la basilique Saint-Pierre qui l’occupera toute la seconde partie de sa vie. Entre ces deux séquences, Konchalovski se focalise sur son œuvre de sculpteur (aux dépens de son travail pictural et architectural).
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- René PRÉDAL : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen
Classification
Média