MICHEL-ANGE (1475-1564)
L'architecte et l'expert
L'architecture de Michel-Ange possède les mêmes caractères que sa sculpture. Le premier est la plasticité de ses constructions et projets, qui l'amène à réduire à presque rien les surfaces murales lisses et à articuler richement les parois par des bandes saillantes, des pilastres, des niches et des fausses fenêtres, des corniches et des entablements aux frises finement sculptées. L'édifice est conçu comme un organisme humain dont l'architecte tel un savant médecin révèlerait la structure et les forces internes, les muscles et les tendons. Le deuxième est le dynamisme, entendu en un double sens : mouvement interne à l'édifice, comme la tension entre support et entablement dont il accentue fréquemment le contraste, entre le nu du mur ou les ouvertures et ce qui les encadre ; et mouvement suggéré à qui se trouve face à l'une de ces constructions ou qui y pénètre, par l'accentuation d'un ou de plusieurs axes l'invitant à se déplacer. Le troisième trait constant est sa liberté imaginative, l'audace de Michel-Ange pour inventer des formes et des ornements, cette licenza que Vasari loue chez lui tout en en reconnaissant le danger : le mépris des règles de proportion et d'agencement des ordres enseignées par Vitruve et respectées par tous ses contemporains. Enfin, comme dans l'exécution de ses sculptures, Michel-Ange a toujours cherché à maintenir son projet dans un état de fluidité, à n'adopter définitivement une solution qu'à mesure que la construction l'exigeait ; ses dessins en témoignent, dont aucun ne correspond exactement à ce qui fut réalisé.
On a coutume de distinguer deux grandes périodes dans l'activité architecturale de Michel-Ange. La première, de 1514 à 1534, durant laquelle il travaille presque exclusivement à Florence (la façade de la chapelle de Léon X au château Saint-Ange exceptée) et presque exclusivement pour les Médicis (à l'exception des projets de fortification de Florence pour le gouvernement républicain). Dans ces constructions, il adopte la bichromie florentine du crépi ou du marbre blanc et de la pietra serena (pierre grise et mate au grain menu) ; il regarde les modèles du Quattrocento, les constructions linéaires et abstraites, délicatement profilées, rationnellement mesurées de Brunelleschi. Les constructions commandées ont un caractère plutôt privatif et confidentiel, elles sont destinées à une élite sociale (le mausolée des Médicis) et intellectuelle (la bibliothèque Laurenziana). L'échelle en est modeste mais l'admiration naît de la sophistication des ornements sculptés et des modénatures. Frustré de son projet de façade pour San Lorenzo, Michel-Ange a créé pour ces deux espaces intérieurs des « façades introverties ». Les façades de marbre de la chapelle Médicis forment un écrin luxueux et inventif à ses propres figures sculptées, les faces du vestibule de la bibliothèque sont une sorte de sculpture non figurative avec leurs puissantes colonnes géminées comprimées dans des niches et leurs consoles à volutes qui ne supportent rien. L'escalier d'accès à la salle de lecture, réalisé bien plus tard sur une maquette de Michel-Ange, possède un caractère encore plus délibérément non fonctionnel, capricieux et expressif : les marches convexes de la rampe centrale semblent s'avancer comme une coulée de lave.
La seconde période, de 1534 à sa mort, eut Rome pour théâtre. Michel-Ange, longtemps tenu à l'écart au profit d'architectes plus orthodoxes, devint l'architecte « obligé » de la papauté à partir de Paul III. Successeur de Bramante au Vatican, il respecta plus l'esprit que la lettre de ses projets, en s'inspirant comme lui des constructions romaines, de l'ampleur de leurs vides et de leurs masses murales malléables, de la majesté de leurs voûtes et de leurs[...]
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Écrit par
- Martine VASSELIN : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, maître de conférences en histoire de l'art des Temps modernes à l'université de Provence
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Médias
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