DELPECH MICHEL (1946-2016)

Le chanteur et parolier Michel Delpech appartient à ce courant de la chanson française créateur de tubes qui divertissent les gens de leur quotidien en y apportant une touche de sentimentalité, de drôlerie ou de bonne humeur. En abordant parfois un registre plus grave à travers l’évocation d’un monde qui n’a jamais tourné rond ou le récit des aléas d’une vie privée faite de fausses pistes et de certitudes, les chansons de Michel Delpech ont accompagné, à leur façon, les métamorphoses de la génération du baby-boom.

Jean-Michel Delpech est né le 26 janvier 1946 à Courbevoie (Hauts-de-Seine), dans un milieu populaire. Il s’ennuie au lycée, crée un groupe de musique avec des copains, écoute Charles Aznavour et Gilbert Bécaud. En 1964, il « monte » à Paris pour tenter sa chance. Après l’enregistrement de quelques titres pour les disques Vogue, il rencontre Roland Vincent qui deviendra le compositeur de ses plus grands succès. La scène musicale est alors en pleine explosion, partagée entre la « beatlemania » et la pop-rock anglo-saxonne, les yéyés français et Mireille Mathieu. C’est la vague hippie qui séduit Delpech (Wight Is Wight, 1969), mais le chanteur entend ne rien abandonner de ses allures de joli garçon qui plaît aux filles (Pour un flirt, 1971), timide et bien élevé. Derrière la légèreté d’une chanson comme Chez Laurette (1965) et sa nostalgie des cafés de lycéens, on perçoit cependant les accents d’une inquiétude vague. C’est encore le cas avec le clair-obscur de Copains clopant (1965), chanson interprétée avec Chantal Simon (qui deviendra sa femme) dans la comédie musicale du même nom.

Les tubes s’enchaînent, la direction artistique de Johnny Stark est solide, le succès en France et à l’international considérable pour les albums et lors des concerts. Michel Delpech se produit à l’Olympia, d’abord en première partie de Jacques Brel (1966), puis en tête d’affiche au début des années 1970. Mais l’insouciance, l’argent facile et les groupies font écran aux tragédies intimes, qui surgissent à l’occasion de son divorce (Les Divorcés, 1973), puis de la séparation d’avec ses enfants et du suicide de son ex-épouse. Une grave dépression s’ensuit : plongée dans la drogue, impuissance créatrice, errements dans les brouillards du paranormal. Il ne trouvera que par étapes une issue à cet effondrement.

C’est un homme transformé qui refait surface au cours des années 1980. Sa rencontre amoureuse avec Geneviève Garnier-Fabre, en 1983, est déterminante. Elle le conduit à accomplir un pèlerinage à Jérusalem et à se convertir au catholicisme. L’écriture de romans et d’essais accompagne la sortie de plusieurs albums de qualité, malgré des succès moyens (Oubliez tout ce que je vous ai dit, 1986 ; Les Voix du Brésil, 1993). Les années 2000 sont plutôt fastes. Delpech est au programme des grands festivals (Francofolies, Vieilles Charrues, etc.). Dans Michel Delpech &…(2006), il rassemble la jeune chanson et des artistes confirmés, en collaborant avec Bénabar et Cali, mais aussi Francis Cabrel, Michel Jonasz ou Alain Souchon. En 2013, le chanteur apprend qu’il est atteint d’un cancer de la langue et de la gorge. Il meurt le 2 janvier 2016, dans l’apaisement d’une foi qu’il voulait salvatrice, pour rejoindre le lieu « où brille la lumière » (La Fin du chemin, 2016).

Michel Delpech est resté fidèle à l’esprit du flowerpower des années 1960-1970, étranger aux mouvements révolutionnaires, mais peu enclin à n’être qu’un honnête bourgeois ou un travailleur discipliné. Il a appelé de ses vœux une humanité pacifique en quête d’harmonie universelle, sans pouvoir se tenir à l'écart de la foire aux vanités ni se préserver des coups du destin. Le public a retenu de lui les tubes qui ont traversé les années 1970, une époque située entre le romanesque brouillon de 1968 et l’asservissement technocratique[...]