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DÉON MICHEL (1919-2016)

Revêtu de l'habit vert, aux couleurs de cette Irlande qu'il avait élue comme dernier havre d'une vie fertile en voyages immobiles, Michel Déon entra sous la Coupole le 22 février 1978. On peut y voir le dernier avatar d’une liaison tumultueuse, ponctuée de ruptures et de retrouvailles, entre la Ville Lumière et ce vagabond stendhalien toujours en partance.

Michel Déon, de son vrai nom Édouard Michel, naît à Paris le 4 août 1919. Déjà la capitale se montre impuissante à retenir le nomade en herbe que sollicite la chaude lumière du Midi et l'insistante musique du bonheur. C'est d'abord Monaco, lié au souvenir fugace d'un père conseiller à la cour du prince Louis II, puis les rues du vieux Nice. Après la mort prématurée de son père en 1933, Édouard revient avec sa mère à Paris, fréquente le lycée Janson-de-Sailly puis la faculté de droit. Au carrefour d'une jeunesse prématurément livrée aux emballements de l'histoire, le jeune étudiant hésite entre deux voies qui s'ouvrent devant lui comme autant de tentations incertaines : la politique à l'ombre du vieux Maurras et de L'Action françaisedont il est le secrétaire de rédaction de 1942 à 1944, et la littérature à l'appel de ces maîtres exigeants – Stendhal et Toulet – que l'on se donne à vingt ans et pour toujours. Après la Libération, Michel Déon sillonne l'Europe et les États-Unis et fait un sort à ses regrets dans quelques livres maladroits.

Je ne veux jamais l'oublier (1950), miroir fêlé d'un bonheur envolé, marque son entrée dans les lettres et son départ vers le Nouveau Monde dont il revient avec La Corrida (1952), histoire d'un réfugié meurtri dont on gage qu'il ressemble à l'auteur comme un frère. Il fait bientôt escorte aux « hussards » (Roger Nimier, Antoine Blondin, Jacques Laurent) qui ont entrepris de donner le coup de grâce aux mandarins de l'existentialisme parisien. De 1952 à 1956, il publie trois livres tendres et insolents : Le Dieu pâle (1954), Tout l'amour du monde (1955) et la vitriolique Lettre à un jeune Rastignac (1956). Ils sont suivis par trois livres disparates où s'affirme, dans un style intimiste, une très étonnante maîtrise des choses du cœur : Les Trompeuses Espérances (1956), Fleur de colchique (1957) et Les Gens de la nuit (1958), un adieu tendrement déchiré aux aventures nocturnes de Saint-Germain-des-Prés qui prélude à de nouveaux départs. Le Portugal, le Tessin, la Grèce accueillent successivement l'écrivain qui n'oublie pas pour autant les épreuves que traverse son pays, comme en témoigne un essai sur L'Armée d'Algérie et la pacification (1959) et un roman sur le contre-terrorisme en Afrique du Nord, La Carotte et le Bâton (1960). Mais la quête obstinée du bonheur reste le ressort secret d'une œuvre qui échappe aux miasmes de l'histoire. Elle nourrit le second tome de Tout l'amour du monde (1960) et Le Balcon de Spetsaï (1961). Le souvenir lumineux de cette île des Cyclades contrastant avec la noirceur des petits complots de la vie parisienne conduit Michel Déon à quitter Paris en 1964. Il s'installe à Spetsaï et écrit avec parcimonie. Entre 1964 et 1970, il publie peu : un récit attachant Le Rendez-vous de Patmos, une corbeille de nouvelles tendres et cruelles, Un parfum de jasmin, et un pamphlet swiftien, Megalonose. C'est qu'il mûrit son œuvre la plus forte et la plus ambitieuse : Les Poneys sauvages (1970), chant funèbre ample et puissant sur la décadence de l'Occident, qui obtient le prix Interallié. Pour Michel Déon, c'est la consécration du succès et la rencontre avec un large public.

En 1973, l'Académie française couronne Un taxi mauve, roman échevelé à la gloire de l'Irlande, dernier refuge, à partir de 1969, de ce nomade sédentaire. Viendront[...]

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Écrit par

  • : historien, docteur en droit, docteur honoris causa de la National University of Ireland et de l'université d'Ulster (Royaume-Uni)

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