GARCIN MICHEL (1923-1995)
L'importance prise par le disque dans la vie musicale a conféré aux directeurs artistiques des éditions phonographiques un rôle déterminant. Ce sont eux qui découvrent les nouveaux interprètes que le disque va lancer sur la scène internationale ; ils persuadent les artistes chevronnés d'enregistrer ce qu'ils pressentent comme la révélation du lendemain ; ils suscitent des rencontres ; ils choisissent entre la énième version d'une œuvre illustre ou un répertoire moins connu, plus risqué d'un point de vue commercial. Pendant l'enregistrement, ils secondent les artistes d'une oreille impitoyable, prêts à intervenir de la cabine pour réclamer une prise supplémentaire avant de superviser le montage final. Véritables managers de leurs artistes, ils doivent travailler avec eux dans un climat de confiance absolue. Michel Garcin était un des grands directeurs artistiques français et il avait su créer avec les interprètes enregistrant pour Erato un véritable esprit de famille, qui se retrouve dans plus de trois mille disques réalisés en près de quarante ans, et s'est vu récompensé par cent soixante grands prix du disque.
Michel Garcin naît à Rochefort (Charente-Maritime) le 28 février 1923 et passe son enfance à Saint-Maixent-l'École. Il étudie le violoncelle et le piano au conservatoire de Poitiers. En 1943, il entre au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où il travaille l'harmonie, le contrepoint, la fugue et l'histoire de la musique avec Georges Dandelot, Jacques de La Presle, Simone Plé-Caussade et Norbert Dufourcq. Il obtient des prix dans toutes ces disciplines avant d'enseigner l'histoire de la musique à l'école César-Franck. C'est l'époque où apparaît le microsillon. Il se passionne pour l'édition phonographique et entre au Club des discophiles de Paris, aux côtés d'André Charlin, Norbert Dufourcq, Armand Panigel, François Pouget... En 1953, quelques mois après la fondation des Disques Erato par Philippe et Christiane Loury, il rejoint cette nouvelle équipe. Ses premiers enregistrements révèlent de nombreuses œuvres de musique française des xviie et xviiie siècles, puis le répertoire s'élargit avec toujours cette volonté de révéler des œuvres oubliées ou mal connues. Le Requiem de Jean Gilles sera ainsi en tête des ventes pendant de nombreuses années. Plus tard, les concertos pour une ou deux mandolines et cordes de Vivaldi, le Concerto pour harpe de Nicolas-Charles Bochsa et la Messa di Gloria de Puccini connaîtront de grands succès populaires.
Michel Garcin réunit autour de lui un groupe d'artistes français qui parviennent rapidement à une notoriété internationale : Jean-Pierre Rampal, Maurice André, Lily Laskine, Jean-François Paillard, Marie-Claire Alain, Jean Hubeau, Alain Lombard... Au fil des années, il poursuit cette recherche de talents nouveaux et enregistre les premiers disques de Maria-João Pires, Pierre Amoyal, Claudio Scimone, Theodor Guschlbauer, Michel Dalberto, Armin Jordan, Michel Corboz, Charles Dutoit, du quatuor Via Nova... Lorsque Charles Münch revient en France, après son séjour à Boston, c'est chez Erato qu'il enregistre. Michel Garcin attire dans son équipe Mstislav Rostropovitch, auquel il fait enregistrer, en 1988, la bande sonore de Boris Godounov, film d'Andrzej Zulawski. L'évolution de l'interprétation de la musique ancienne l'incite à découvrir de nouveaux talents : John Eliot Gardiner, Scott Ross et Ton Koopman rejoignent l'équipe d'Erato. En 1970, il fonde les Soirées musicales au château de Villevieille, près de Sommières, dans le Gard, dont il assure la direction artistique avec sa femme. En 1975, il obtient le diplôme d'honneur au VIIIe prix mondial du disque de Montreux et, en 1983, la médaille d'or de la Société des auteurs, compositeurs[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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