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HAZANAVICIUS MICHEL (1967- )

Le cinéma muet revisité

La formidable aventure de The Artist, couronné à Hollywood de cinq oscars en 2012 (dont ceux de meilleur film, réalisateur et acteur), est certes surprenante par son ampleur mais se situe tout à fait dans la logique de la filmographie du réalisateur qui fait appel à une cinéphilie complice, habilement mixée avec une sympathique nostalgie pour le « cinéma du samedi soir » de jadis. S'appuyant sur le franc succès remporté aux États-Unis par son premier OSS 117, Hazanavicius imagine de conserver le couple Jean Dujardin-Béatrice Bejo pour réaliser un film muet en noir et blanc (un parti pris audacieux qui le privera de l'avance sur recettes et de la participation des télévisions) en hommage à l'âge d'or du cinéma hollywoodien dont il adopte le style et le mélange au sommet des genres les plus populaires. Emblématique, l'histoire est celle de George Valentin, vedette du muet dont la carrière est brisée par l'arrivée du parlant, tandis que triomphe Peppy Miller, la jeune étoile montante. Revisitant avec culot toutes les scènes attendues emportées par une mise en scène brillante, un premier degré revigorant et une authentique émotion, The Artist applique les conceptions classiques de la structure du film de studio en 1929 : la star masculine est donc loyalement servie (cadrages, premiers plans, lumières...) par sa partenaire féminine toujours légèrement en retrait, le chien étant quant à lui chargé de fournir la note comique. On connaît la suite, commerciale, critique et internationale.

Michel Hazanavicius peut désormais tout entreprendre, mais il prend le temps de choisir. Ainsi, dans le film à sketches Les Infidèles (2012), monté par Jean Dujardin et Gilles Lellouche, est-il le seul réalisateur sur sept à tirer avec brio son épingle du jeu.

Dans les films qui suivent, Hazanavicius affirme un peu plus son goût du pastiche des genres populaires filmés avec la distance, bienveillante, du film d’auteur. The Search (2014) est un ambitieux mélodrame de guerre, sorte de remake des Anges marqués de Fred Zinnemann (1948) transposé dans la Tchétchénie de 1999, qui souffre toutefois d’un montage chaotique. Très réussi en revanche, Le Redoutable (2017) est un biopic sur Jean-Luc Godard (interprété par Louis Garrel), et sa jeune compagne Anne Wiazemsky (Stacy Martin), dépeint dans les années 1967-1968, alors que sa filmographie prend un tour décisif et quelque part suicidaire. Dans Le Prince oublié (2020) un père (Omar Sy) raconte chaque soir à sa fille les aventures fantastiques d’un prince et d’une princesse (Bérénice Bejo) qui ont en fait leurs propres traits, mais la fusion entre les deux narrations parallèles ne convainc pas. Quant à Coupez ! (2022), il conte brillamment le tournage d’une série Z attaqué par des zombies.

— René PRÉDAL

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Écrit par

  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

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  • FRANCE (Arts et culture) - Le cinéma

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    • 7 médias
    ...jeune cinéma couvre logiquement tous les domaines thématiques et esthétiques, de nombreux réalisateurs cultivent personnellement un éclectisme audacieux : Michel Hazanavicius passe du pastiche des séries d’espionnage d’avant James Bond (OSS 117, Le Caire nid d’espions, 2006) à un hommage au mélodrame...