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JOBERT MICHEL (1921-2002)

Michel Jobert, décédé le 26 mai 2002, est enterré au côté de son épouse, à quelques kilomètres du château de La Ferté-Vidame qui appartint au duc de Saint-Simon. Né à Meknès, au Maroc, le 11 septembre 1921, Michel Jobert n'avait pourtant aucune attache particulière avec ce coin reculé de l'Eure-et-Loir, sinon une admiration pour le célèbre mémorialiste du xviiie siècle avec qui il partageait un goût certain pour l'ironie et la dérision. S'il a été salué par l'ensemble du monde politique français, la seule personnalité qui ait assisté à son enterrement fut Jean-Pierre Chevènement. Sans doute, le candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2002 se reconnaissait-il dans cet ancien collaborateur de Mendès France puis de Pompidou, ministre du même Pompidou puis de Mitterrand, qui ne se voulait ni de droite ni de gauche mais « ailleurs », et se décrivait lui-même comme « un phénomène insolite dans la vie politique française ».

Fils d'un ingénieur agronome, Michel Jobert fait Sciences Po, puis l'E.N.A. (promotion Croix de Lorraine, 1947-1948). Pendant ses études, il participe aux combats pour la libération de la France, au sein d'une unité de spahis, ce qui lui vaudra la croix de guerre. Après l'E.N.A., il intègre la Cour des comptes, puis plusieurs cabinets ministériels successifs, notamment ceux de Pierre Abelin (Finances) et de Pierre Mendès France, président du Conseil. De 1956 à 1958, il surveille la mise en place de la loi-cadre Defferre sur l'outre-mer en tant que conseiller du haut commissaire en Afrique-Occidentale française (A.-O.F.). La Ve République ne l'éloigne pas pour autant des cabinets ministériels, puisqu'il dirige d'abord celui de Robert Lecourt, ministre de la Coopération, avant de retourner à Matignon, cette fois au côté de Georges Pompidou.

Michel Jobert ne quittera plus le futur président, dont il sera le principal collaborateur dix ans durant. C'est un camarade du lycée de Meknès, par ailleurs beau-frère de Georges Pompidou, François Castex, qui présente les deux hommes l'un à l'autre. « Pompidou souhaitait renforcer son équipe », se souviendra Michel Jobert. « Je ne l'avais jamais vu, mais j'étais prévu dans son équipe dès 1962. » Il ne s'installera en fait à Matignon qu'en 1963, non sans avoir consulté son autre mentor, Pierre Mendès France. Ce dernier lui donne carte blanche. « Ça ne me gêne pas ; de toute façon, vous ne ferez que de la politique administrative », lui lance-t-il.

Michel Jobert va vite gravir les échelons au côté de son nouveau patron. Directeur adjoint, puis directeur de cabinet du Premier ministre ; secrétaire général de la présidence de la République lorsque Pompidou entre à l'Élysée. C'est à Matignon qu'il suit les premiers pas de deux jeunes conseillers, Jacques Chirac et Édouard Balladur. C'est là aussi qu'il tente de maintenir un semblant de gouvernement du pays aux heures les plus chaudes de mai 1968. C'est à l'Élysée qu'il voit se développer les premiers symptômes de la maladie qui emportera Pompidou.

La consécration arrive en 1973, lors de la formation du deuxième gouvernement Messmer. Michel Jobert est nommé ministre des Affaires étrangères. Il ne tarde pas à imprimer sa marque et à imposer sa personnalité, en tenant tête aux Américains, et notamment à son homologue Henry Kissinger, qui lui rend un peu modeste hommage : « C'est le premier ministre des Affaires étrangères qui me ressemble »... Tandis que Le Canard enchaîné le surnomme « le roquet d'Orsay ». « Il incarna le culte de l'indépendance nationale », dira de lui Jacques Chirac en lui rendant hommage.

À la mort de Pompidou, il refuse de prendre la direction du mouvement gaulliste comme le lui proposent les dirigeants[...]

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Écrit par

  • : journaliste éditorialiste à Sud Ouest

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