JOURNIAC MICHEL (1935-1995)
Après la mort de Gina Pane et de François Pluchart, Michel Journiac, né le 7 octobre 1935 et mort le 15 octobre 1995, était le dernier représentant de l'art corporel en France. Il découvre très tôt Jean Genet et sa propre homosexualité ; il entre alors au séminaire, lieu où, par le célibat, il pouvait échapper à la norme sociale. Les rapports de Michel Journiac avec la religion seraient à rapprocher de ceux qu'entretenait avec celle-ci Pasolini. Après une série de premières toiles où la thématique du sang apparaît déjà, il publie en 1968 dans Combat un article, “De la révolte à l'interrogation”. Grâce à Pierre Restany, il rencontre François Pluchart, avec qui il va fonder la revue Artitudes (1971-1979).
Mai-68 sera important pour lui, et les Pièges comme les mises en situation de Journiac ne sont pas très éloignés de la pratique situationniste du détournement. En 1969 auront lieu différentes manifestations : La Lessive, lessive de produits artistiques ; le Stand Journiac, stand commercial comme on en trouve au Salon des arts ménagers, sauf que l'on est au musée d'Art moderne de la Ville de Paris et que la publicité est faite pour l'artiste comme s'il s'agissait d'une marque commerciale ; Piège pour un voyeur, où la galerie est transformée en une sorte de peep-show et où le visiteur se retrouve en position d'être vu ; Messe pour un corps, rituel de transsubstantiation, comme on aura un rituel de transmutation en 1993, véritable messe où, en guise de communion, il offre aux spectateurs son propre sang à manger, sous forme de boudin, dont il donne par ailleurs la recette. En 1970, ce seront le Manifeste du chèque, œuvre dérisoirement conceptuelle à l'époque de la plus grande vogue de l'art conceptuel, le Référendum Journiac, qui transforme le lieu d'exposition en bureau de vote, et le Distributeur automatique d'œuvres d'art, où, moyennant cinq pièces de un franc, on pouvait acquérir une mini-œuvre de son choix. En 1971, ce sera Piège pour une exécution capitale, contre la peine de mort, et en 1972 il réalisera Hommage à Freud – où il se travestit en son père et en sa mère –, d'abord sous forme d'un envoi postal adressé au milieu artistique, avant d'en réaliser des versions photographiques. Dans Contrat pour un corps, toujours en 1972, il propose au collectionneur de transformer son corps en œuvre d'art, selon trois modalités : le squelette nu, ou avec des vêtements, ou, enfin plaqué or. Dans Contrat de prostitution (1973), il réalisera un Hommage au Putain inconnu. D'autres œuvres, comme 24 Heures de la vie d'une femme ordinaire, fondée également sur le travestissement, prendront d'abord la forme d'une publication, puis d'une œuvre photographique. En 1979 aura lieu l'Action érotico-patriotique avec Silvia Bourdon. D'autres actions feront appel au marquage au fer rouge, comme cette Action de corps exclu en 1983, où il utilise le signe du triangle, marque des homosexuels, action qu'il renouvellera en 1993, dans le contexte du sida. En 1987, à l'occasion de La Mort de l'ami, rituel, il va jeter dans la Seine, depuis le pont Marie, les cendres de Pierre N., tel l'or jeté, dans la Seine également, par Yves Klein en 1962. À partir de 1993, il commence Rituel de transmutation, du corps souffrant au corps transfiguré, qui devait comporter douze étapes et qui débute par la Monnaie de sang, envoi postal : il expédie des billets de cent francs imprimés sur Rhodoïd et contenant son propre sang comme “constat du corps annulé par l'argent”, envoi qui trouve son origine dans le procès du sang contaminé par le virus du sida et par lequel le corps devient “invisible, irreprésenté”, montrant ainsi la dimension politique de l'argent. En 1993, il réalisera aussi des lingots de plomb et de cendres humaines,[...]
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Écrit par
- Jacques DONGUY : docteur ès lettres, chargé de cours à l'université de Paris-I
Classification
Autres références
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- Écrit par Anne TRONCHE
- 4 586 mots
- 1 média
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HAPPENING
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- Écrit par Hervé LE GOFF et Jean-Claude LEMAGNY
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