LEJEUNE MICHEL (1907-2000)
Le linguiste Michel Lejeune est né en 1907 ; il est le frère du dessinateur Jean Effel (F.L., François Lejeune). D'une remarquable précocité (ses premiers articles datent de 1929), il a reçu sa formation dans la période féconde de l'entre-deux-guerres. Il fut en particulier l'élève d'Antoine Meillet, le maître de la grammaire comparée des langues indo-européennes, et de Joseph Vendryes, l'un des pionniers de l'étude de la langue gauloise. Michel Lejeune a enseigné la philologie grecque et latine aux universités de Poitiers et de Bordeaux, puis à la Sorbonne ; il fut, à partir de 1947, directeur d'études pour la grammaire comparée des langues indo-européennes à l'École pratiques des hautes études ; son Précis d'accentuation grecque, constamment réédité depuis 1945, permet d'apprécier ses qualités pédagogiques.
Son œuvre scientifique (vingt livres, plus de trois cents articles) frappe par son ampleur et par la diversité de ses champs de recherche : il s'est intéressé à presque toutes les langues indo-européennes (et à quelques autres), à presque toutes les écritures de l'Europe antique.
Michel Lejeune a consacré la plupart de ses premières études à la langue grecque : sa thèse principale porte sur Les Adverbes grecs en -then et sa thèse secondaire, d'un grand intérêt pour l'histoire et l'histoire du droit, a pour titre Observations sur la langue des actes d'affranchissement delphiques (Paris, 1940). Dès 1934, cependant, il publie une synthèse, de portée générale, sur « Le Langage et l'écriture » in L'Évolution humaine, des origines à nos jours, t. III. À partir de 1945, il s'intéresse particulièrement aux langues de l'Italie antique, le latin et l'étrusque bien sûr, mais plus encore l'osque, le vénète (Manuel de la langue vénète, Heidelberg, 1974), le messapien, l'élyme et le lépontique.
En 1954, il est l'un des premiers à saluer le déchiffrement du linéaire B par le Britannique Michaël Ventris, qui montre que les textes mycéniens sont des textes grecs. Dès cette année-là, il consacre aux documents mycéniens l'un de ses séminaires. En avril 1956, il organise à Gif-sur-Yvette, autour de Ventris et de Chadwick, le premier colloque d'études mycéniennes. Ce colloque s'est mué en « assemblée constituante » de la mycénologie, fixant notamment des règles pour l'édition des textes ; la rencontre a développé dans la nouvelle discipline une coopération enthousiaste que l'Américain Bennett a qualifiée d'« esprit de Gif ». Pendant quarante ans, Michel Lejeune publie chaque année plusieurs études sur les textes mycéniens, qui sont rassemblées dans les Mémoires de philologie mycénienne (t. I, Paris, 1958 ; t. II, Rome, 1971 ; t. III, Rome, 1973 ; t. IV, Rome, 1997). Ses recherches portent sur la langue des tablettes (en 1972, Lejeune publie une version complètement remaniée de son Traité de phonétique grecque, qui intègre les données mycéniennes), mais aussi sur la structure des archives et sur l'organisation des sociétés mycéniennes : par ses articles d'une précision et d'une clarté exemplaires sur les esclaves, sur les prêtres et prêtresses, sur les forgerons, sur la guerre et sur le damos (assemblée du peuple), Michel Lejeune s'est imposé comme l'un des principaux historiens du monde mycénien. Admirateur et ami de Georges Dumézil, il se plaît néanmoins à souligner que l'examen des textes mycéniens n'apporte « qu'un appui décevant » à la thèse de la tripartition fonctionnelle des sociétés indo-européennes.
Durant les vingt-cinq dernières années de sa vie, sans aucunement abandonner le terrain de la mycénologie (il publie en 1996 des Notes d'anthroponymie thébaine, fondée en grande partie sur[...]
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Écrit par
- Pierre CARLIER : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur d'histoire grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
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