PETRUCCIANI MICHEL (1962-1999)
L'homme force le respect et l'admiration. Atteint dès sa naissance par une ostéogenèse imparfaite – plus communément appelée maladie de Lobstein ou maladie des os de verre – qui stoppe très vite sa croissance et fragilise jusqu'à les briser chacun de ses os, Michel Petrucciani s'est jeté dans la musique pour y noyer la souffrance. Outre une renommée planétaire auprès d'un très vaste public, le piano lui a procuré de grandes joies, les seules qui puissent un instant effacer les difformités physiques, la douleur et ces échasses spéciales qu'il lui fallait chausser pour atteindre les pédales de son instrument. Il a été porté par la musique comme il l'était par ses amis pour entrer en scène.
Michel Petrucciani naît le 28 décembre 1962 à Orange, dans le Vaucluse. En dépit des ravages de la maladie, il étudie dès l'âge de quatre ans le piano classique, auquel il consacre huit ans de son enfance. Très vite, cependant, il se tourne vers le jazz et, vers douze ans, se produit en trio avec son père Antoine à la guitare et l'un de ses frères, Louis, à la contrebasse. Les grands de la profession – Kenny Clarke, qui le remarque en 1977, Clark Terry, qui l'entend jouer avec Bernard Lubat dans l'orchestre d'Alain Brunet en 1978 – ne résistent pas longtemps à l'envie de jouer avec lui.
En 1980, Michel Petrucciani enregistre Flash (Bingow Records), avec Aldo Romano, Mike Zwerin, André Jaume, Bernard Lubat et Louis Petrucciani. L'année suivante, il grave un album avec Aldo Romano (batterie) et Jean-François Jenny-Clark (contrebasse), Michel Petrucciani Trio (Owl Records, 1981). Il part en 1982 pour la Californie, où il se fixe à Big Sur, là où s'était retiré Henry Miller, pour lequel il éprouve une grande admiration. Il va désormais partager son temps entre l'Amérique, où il signera en 1985 un contrat avec la firme discographique Blue Note, et la France, où il enregistrera pour Dreyfus. Sur son insistance, Charles Lloyd accepte de revenir sur scène ; le saxophoniste l'appellera souvent dans son nouveau quartette et ils se produisent en particulier au festival de Montreux en 1982 (Live in Montreux 1982, Elektra, 1983). Avec lui, mais aussi en duo avec Lee Konitz en 1981-1982 (Toot Sweet, Owl Records, 1982), Michel Petrucciani multiplie les tournées mondiales et les rencontres avec de fortes personnalités comme Gary Peacock et Roy Haynes – avec lesquels il joue en trio piano, contrebasse, batterie, une formation qu'il affectionne –, Freddie Hubbard, Joe Henderson, Ron Carter, Charlie Haden, Jack DeJohnette, Bob Brookmeyer... Il enregistre en duo avec Eddy Louiss (Conférence de presse, Dreyfus, 2 vol., 1994 et 1995), en quartette avec Stéphane Grappelli (Flamingo, Dreyfus, 1996), Didier Lockwood... Les concerts et les récompenses – notamment trois victoires de la musique en 1984, 1988 et 1994 – s'accumulent dans une bien courte carrière. On gardera le souvenir de sa participation au festival de Montreux 1985 en trio avec Jim Hall et Wayne Shorter (Power of Three, Blue Note, 1987), ainsi que celui de son ultime performance, le 19 décembre 1998, au Vatican, en présence du pape Jean-Paul II. En solo, citons Promenade with Duke (Blue Note, 1993), Au Théâtre des Champs-Élysées (Dreyfus, 1997) et Solo Live (Dreyfus, 1998). Une foudroyante infection pulmonaire l'emporte le 6 janvier 1999, à New York.
L'extrême popularité de Michel Petrucciani tient à la simplicité et à la lisibilité d'un jeu où les audaces sont rares. Son tempérament lyrique et impétueux utilise essentiellement, en alternant délicatesse de toucher et puissance des attaques, l'amplitude dynamique de l'instrument. Son éventail rythmique et harmonique reste toutefois étroit, son swing parfois hésitant et son imagination musicale souvent convenue. Michel Petrucciani n'est[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Média
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