PINÇON MICHEL (1942-2022)
Des mondes ouvriers à la grande bourgeoisie
Michel Pinçon a d’abord consacré l’essentiel de ses travaux aux mondes ouvriers : aux modes de vie et aux inégalités sociales au sein du logement social ; puis, aux effets de la désindustrialisation sur la vie des familles populaires d’une bourgade de la Meuse. Il a ensuite notamment été l’auteur, avec Monique Pinçon-Charlot, d’ouvrages sur les grands patrons de première génération, les gagnants du Loto et de l’Euromillion, le procès chilien d’Augusto Pinochet et les méthodes d’enquête ethnographique.
Mais leurs recherches les plus remarquées au sein de la communauté scientifique et les plus connues du public portent sur la grande bourgeoisie, son inscription urbaine, ses espaces, ses institutions, sa sociabilité, ses stratégies collectives de reproduction, son rapport au bien commun. Elles ont contribué – à l’instar de celles de Monique de Saint-Martin ou du Britannique John Scott – à relancer à la fin du xxe siècle la sociologie européenne du haut de la hiérarchie sociale, ouvrant de nombreuses pistes qui ont depuis été suivies par d’autres chercheurs. Déclinant un cadre analytique bourdieusien pour rendre compte des dynamiques urbaines, le couple de sociologues français a été parmi les premiers à se pencher sur des phénomènes tels que lagriffe spatiale(à l’origine de processus croisés et circulaires de valorisation symbolique entre les espaces élitaires et leurs habitants les plus privilégiés), la supergentrificationdes beaux quartiers, ou au contraire leur boulevardisationpar la prolifération d’une offre commerciale ciblant les promeneurs plutôt que les habitants. Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot se sont aussi intéressés de manière répétée aux différents rapports à l’argent observables au sein de la bourgeoisie, ainsi qu’aux modes de reproduction des principaux types de capital (économique, culturel, social, symbolique) déterminant la position sociale dominante d’une famille ou d’un individu, et aux modalités de conversion entre ces derniers. Par ailleurs, leur finesse compréhensive leur a souvent valu l’admiration de leurs enquêtés, tout particulièrement en 1993 lors de la publication de La Chasse à courre, ouvrage exposant les relations interclasses qui se nouent et se jouent dans le cadre de cette pratique.
Après leur retraite du CNRS en 2007 et la décision de ne pas demander l’éméritat, le couple fait paraître des livres qui se veulent davantage accessibles que les précédents et qui assument une tonalité plus ouvertement critique, dénonciatrice et politiquement engagée à gauche.
Michel Pinçon meurt à Paris le 26 septembre 2022.
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Écrit par
- Bruno COUSIN : professeur de sociologie, Fondation nationale des sciences politiques à Sciences Po
Classification
Autres références
-
CLASSES SOCIALES - Classe dominante
- Écrit par Gérard MAUGER
- 2 474 mots
« S'il existe encore une classe, notent Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot dans Sociologie de la bourgeoisie, c'est bien la bourgeoisie », groupe apparemment composite où coexistent noblesse fortunée et familles bourgeoises, industriels, hommes d'affaires, banquiers, propriétaires terriens,...