Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PORTAL MICHEL (1935- )

Certains êtres , et particulièrement certains artistes, découragent toute espèce de classement ou de définition. De Michel Portal, clarinettiste et saxophoniste – mais aussi joueur de bandonéon –, interprète classique et jazzman – mais également compositeur –, Francis Marmande brossait en 1981 le portrait d'un « exilé permanent qui se sent en instance » ; presque une manière de congédier tout enfermement du personnage dans la fixité, illusoire, d'une identité. Autant dire que, si l'on veut se donner une chance de cerner la singularité du musicien, le portrait devient... pluriel ; un paradoxe qui permit en 1972 à Lucien Malson de « botter en touche » du côté de la mythologie grecque : « Protée, c'est déjà lui : plusieurs artistes en un seul, un seul homme sous diverses apparences. » Faut-il voir dans ces appartenances toujours transitoires la clé de l'anxiété radicale qui le sous-tend, humainement et musicalement ? Ce n'est probablement pas un hasard si l'une des plages de son disque AnyWay (1993) s'intitule Intranquilo, adjectif qui signifie l'inquiétude dans la langue d'une Espagne chère au cœur de ce Bayonnais, mais aussi dans celle du Portugais Fernando Pessoa ; le desassossego sur quoi le poète fonde son Livre de l'intranquillité n'est probablement pas étranger à l'univers du clarinettiste.

Musicien et activiste

L'itinéraire de Michel Portal défie constamment l'académisme : s'il est vrai qu'il obtint en 1959 le premier prix de clarinette du Conservatoire de Paris, puis le deuxième prix (premier prix non décerné) du concours international d’exécution musicale de Genève (1963), le premier du Jubilé suisse (1963) et celui du concours international de musique de Budapest (1965), cela ne l'empêcha nullement de jouer dans des orchestres de danse (Pérez Prado, Aimé Barelli...), après avoir pratiqué dès l'enfance les musiques populaires de son Pays basque (il est né à Bayonne le 25 novembre 1935). Les années 1960 le voient parcourir toutes les provinces de l'univers musical, au sens le plus large : des orchestres qui accompagnent les grands artistes de variétés à ceux qui divertissent le Lido ou les Folies-Bergères, il vit le « métier » du musicien, dans son prosaïsme et sa diversité. Mais il participe aussi aux orchestres de jazz, pour jouer les musiques de Pierre Michelot, Jef Gilson, Jean-Luc Ponty, Ivan Jullien ou André Hodeir... Parallèlement, il s'implique dans le free jazz dès que ce courant s'exprime sur la scène française, notamment aux côtés du pianiste François Tusques, du trompettiste Bernard Vitet, ou du batteur américain Sunny Murray. Il s'affirme, dans le même temps, comme l'interprète indispensable aux compositeurs contemporains, qui trouvent dans l’étonnante étendue de ses modes de jeu et dans son intelligence musicale le médiateur idéal sur ce difficile instrument qu'est la clarinette. Il suffira, pour éclairer ce rôle, de citer ses multiples participations à l'ensemble Musique vivante de Diego Masson, notamment pour Domaines, de Pierre Boulez, et sa collaboration avec de nombreux compositeurs comme Luciano Berio, Mauricio Kagel, Karlheinz Stockhausen, Vinko Globokar – qui lui dédie Ausstrahlungen (1971) –, Franco Donatoni – qui écrit pour lui Portal, pour clarinettes et orchestre (1995) –, ou Luc Ferrari – Portrait de Michel Portal, pour bande (« son mémorisé comportant des interviews de Michel Portal et des plages musicales destinées à ses improvisations en concert ») et clarinette (1995). Avec Globokar, qui est également tromboniste, il se produira dès 1969 au sein du New Phonic Art, ensemble de « musique de chambre contemporaine improvisée » qu'ils ont créé en compagnie du pianiste-compositeur Carlos Roqué Alsina et du percussionniste[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : producteur à Radio France, chroniqueur à Jazz Magazine et à Guitare et claviers

Classification

Autres références

  • ALSINA CARLOS ROQUÉ (1941- )

    • Écrit par et
    • 921 mots

    Compositeur et pianiste argentin naturalisé français, né à Buenos Aires le 19 février 1941, Carlos Roqué Alsina y fait ses études musicales de piano et de direction d'orchestre, puis travaille la composition en autodidacte. Il mène parallèlement une carrière de pianiste commencée très...

  • JAZZ

    • Écrit par , , , et
    • 10 992 mots
    • 26 médias
    ...un quatuor de saxophones avec lequel il joue une musique très européenne. François Jeanneau, qui est de l'aventure, s'intéresse en solo au free jazz. Le clarinettiste et saxophoniste Michel Portal passe des musiques classiques et contemporaines à la musique improvisée d'avant-garde, dans laquelle il...
  • JAZZ, France

    • Écrit par
    • 1 035 mots
    ...un quatuor de saxophones avec lequel il joue une musique très européenne. François Jeanneau, qui est de l'aventure, s'intéresse en solo au free jazz. Le clarinettiste et saxophoniste Michel Portal passe des musiques classiques et contemporaines à la musique improvisée d'avant-garde, dans laquelle il...