PORTAL MICHEL (1935- )
Une incessante remise en cause
Cette activité plurielle sur tous les fronts des musiques d'aujourd'hui ne doit évidemment pas occulter l'importance du clarinettiste classique, soliste et chambriste dont la renommée s'affirmera plus tardivement : en décembre 1975, la salle Pleyel l'accueille enfin, alors qu'il est depuis longtemps demandé sur les grandes scènes du jazz ou de la musique contemporaine (Châteauvallon, Donaueschingen, Royan...) et rares seront désormais les critiques ou les mélomanes rétifs à lui reconnaître cette liberté de saute-frontière, de brouilleur d'étiquettes que son insatiable appétit d'émois musicaux conduit d'un univers à l'autre. Et les plus honnêtes admettront vite que, loin d'altérer son insigne qualité de concertiste, cette diversité de pratiques enrichit au contraire sa musicalité, et l'émotion qu'elle communique. Dans le domaine de la musique de chambre, il donnera ainsi la réplique aux pianistes Georges Pludermacher, Maria-João Pires, Michel Dalberto, Mikhail Rudy..., aux violoncellistes Frédéric Lodéon, Boris Pergamenschikow..., aux altistes Gérard Caussé, Youri Bashmet..., aux quatuors Melos, Talich, Orlando...
Ultime facette d'un portrait dont les multiples touches disent assez la complexité, il convient de ne pas oublier le compositeur pour l'image : en effet, Michel Portal écrit des musiques pour le cinéma et la télévision ; de cette importante activité on citera, notamment, sa fidélité au cinéaste et critique de jazz Jean-Louis Comolli (La Cecilia, 1975 ; L'Ombre rouge, 1981 ; Balles perdues, 1983) ; sans oublier bien sûr trois césars obtenus pour Le Retour de Martin Guerre (Daniel Vigne, 1983), Les Cavaliers de l'orage (Gérard Vergez, 1985) et Champ d'honneur (Jean-Pierre Denis, 1988) et deux 7 d’Or pour les téléfilms Ami Giono : L’Onorato (Marcel Bluwal, 1990) et Eugénie Grandet (Jean-Daniel Verhaeghe, 1995).
Par-delà les apparents clivages d'une activité plurielle, ce qui frappe, chez Michel Portal, c'est une invocation quasi rituelle de la solitude, conjuguée au désir éperdu de communiquer, de partager : avec les musiciens qui le côtoient sur scène, mais aussi avec le public. Ce haut degré d'exigence d'une réponse, d'une implication de l'autre, est la légitime attente d'un musicien qui s'investit constamment jusqu'à la limite, jusqu'au danger. On trouve chez l'improvisateur cette grandeur, ce courage d'accepter l'absence de partition avec le risque, l'angoisse que cela induit : que jouer, maintenant ? On trouve chez l'interprète classique cette lucidité qui s'en remet au texte sans entraver, selon l'analyse de Patrick Szersnovicz, l'instauration d'un « climat, au sens propre, extraordinaire, fait de pulsions, mais qui retrouve l'ardeur première de l'œuvre ». Son art, dans l'un et l'autre cas, se construit par l'enlacement de tensions dramatiques, d'échappées de gaieté surgies de la gravité même ; écrite ou improvisée, sa musique paraît sans cesse remise en jeu. Et, s'il recourt souvent à l'Afrique, pour le caractère irrépressible de ses rythmes, pour ses spontanéités de fête, Michel Portal sait aussi le secret de Mozart, Schumann, Brahms et Alban Berg. Constamment saisi d'un doute fécond, il sait que l'art ne saurait advenir sans cette part de violence faite à toutes les certitudes.
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Écrit par
- Xavier PRÉVOST
: producteur à Radio France, chroniqueur à
Jazz Magazine et àGuitare et claviers
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