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SERRAULT MICHEL (1928-2007)

« Je veux faire rire, donner du bonheur, offrir des émotions. » En appliquant scrupuleusement ce credo artistique, Michel Serrault atteignit les sommets d'une vocation décelée tôt et vouée aux multiples facettes du spectacle. Il naît à Brunoy le 24 janvier 1928, dans une famille modeste et unie, croyante et enjouée, indulgente face à la fascination que l'ambiance du cirque va exercer sur l'enfant. À seize ans, établi avec ses parents dans ce qu'on désignait autrefois comme la zone parisienne, il interrompt ses études au petit séminaire pour bifurquer vers le centre de formation du spectacle. Il souhaite s'initier à la gestuelle et maîtriser les jeux de physionomie. Un comédien, excellent professeur, lui permet de rejoindre les figurants de la Comédie-Française et de profiter à l'Atelier des conseils de Charles Dullin : se fier à l'instinct, fuir la facilité, jouer avec sincérité, écouter et regarder son partenaire.

Les tournées en Allemagne occupée vont lui offrir les occasions d'affronter Goldoni et Molière. En 1946-1947, de modestes contacts s'établissent avec le public parisien. La découverte des Branquignols, qui enchaînent des sketches désopilants dans le sillage de Robert Dhéry, l'enthousiasme. Le maître rencontre l'apprenti et l'engage en 1950 pour un nouveau spectacle baptisé Dugudu. Serrault, en trompette de Jericho, réussit son examen et, remarqué par le chansonnier Robert Rocca, s'installe au cabaret La Tomate.

Sa rencontre avec Jean Poiret survient après Dugudu. L'un et l'autre courent le cachet au théâtre Sarah-Bernhardt. Impatienté par une longue attente, Poiret lance une phrase déroutante à laquelle Serrault répond du tac au tac, en accentuant le dérapage. Le jeu se poursuit. La formule du succès venait d'être découverte. Jouant de leur physique contrasté : Poiret, de belle allure, Serrault fruste et imperturbable, tous deux vont égarer les auditeurs dans les dédales de l'absurde avec une bonne grâce malicieuse. Les rires du public les propulsent de La Tomate au Tabou, chez Gilles ou à l'Amiral, jusqu'à ce que s'éteigne la vogue des cabarets.

Les deux compères s'engagent alors dans la voie royale. Avant et après le succès de L'Ami de la famille (J. Sommet, 1959), ils truffent de digressions insensées les plates répliques de Louis Verneuil (Pour avoir Adrienne, 1957 ; Le Train pour Venise, 1959), s'éclatent dans la parodie (Sacré Léonard, 1963 ; Opération Lagrelèche, 1966). Lorsqu'il fait cavalier seul, Serrault impose un certain M. Blot (Robert Rocca, Pierre Daninos, 1961), gradue l'ambiguïté de Monsieur Dodd (Arthur Watkyn et Jean Cosmos, 1966), excelle au boulevard avec Gugusse (Marcel Achard, 1968). Le triomphe de La Cage aux folles (1973), longuement médité, lentement écrit par Poiret, va pulvériser les records de fréquentation. Serrault, en homosexuel inquiet de vieillir, voltige du comique haute gamme à l'émotion à fleur de peau. En 1970, il réunit encore spectateurs et critiques pour Les Bonshommes (Françoise Dorin).

Le cinéma exploita d'abord le filon Poiret-Serrault et se contenta de « gonfler » des scénarios anémiques en y intercalant leurs sketches. Pourtant, dès 1954, H.-G. Clouzot avait deviné chez Serrault sa tendance à étoffer les silhouettes (Les Diaboliques). Deux ans plus tard, Sacha Guitry écrivit pour le couple Assassins et voleurs, mélange détonant de cynisme et d'immoralité, panaché des derniers jets d'un esprit inaltérable. Ils affrontent également les excentricités de John Berry (O qué mambo, 1958), les cascades de Robert Dhéry et Pierre Tchernia (La Belle Américaine, 1961), les sucreries de Michel Boisrond (Comment réussir en amour, 1962), ou l'application de Norbert Carbonnaux (Candide, 1969). Encadrant les adaptations de La Cage[...]

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  • POIRET JEAN (1926-1992)

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    • 516 mots

    Les grands humoristes donnent l'impression de ne rien prendre au sérieux... Tel fut Jean Poiret, acteur, auteur, metteur en scène. Cachant, sous la malice de son regard et de son sourire, une gravité qui n'appartient qu'aux gens sensibles et intelligents, fuyant la prétention comme la peste, Poiret...