MICROCRÉDIT
Du discours à la pratique
Retour sur les performances de remboursement
Le succès du microcrédit doit beaucoup aux impressionnantes performances en termes de taux de remboursement communiquées par les différents programmes. Nous avons vu que la dérive commerciale a conduit à de nombreuses crises de remboursement. Par ailleurs, les méthodes de calcul utilisées pour obtenir ces taux de remboursement sont rarement précisées et cachent des disparités importantes dans les performances réelles. Les taux de remboursement communiqués par la Grameen Bank, par exemple, sont obtenus à partir du ratio des montants impayés après deux ans sur le montant des prêts actuels. Comme l'expliquent certains auteurs, ce calcul minimise fortement les problèmes d'impayés : d'une part, la durée moyenne des prêts est d’un an et considérer les impayés après deux ans équivaut à allonger la durée du prêt d'une période, d'autre part, le portefeuille de la Grameen Bank est en constante expansion et ainsi les impayés sont rapportés à un portefeuille plus important de prêts que celui qui prévalait au moment où ces prêts étaient attribués. Adopter une définition plus stricte des taux de remboursement (pourcentage des prêts non complètement remboursés à leur échéance) conduit à des taux moins flatteurs (par exemple, 55 p. 100 pour la Grameen Bank en 1991 alors que le taux publié par l'institution pour cette année-là était de 98,3 p. 100).
Cela étant, si les clients de la Grameen Bank ne remboursent pas forcément ponctuellement, ils semblent s'acquitter de leurs dettes avec le temps. En effet, dans certains contextes, les travaux d'anthropologues montrent à quel point l'exigence de rembourser à une date fixe entre en conflit avec les normes sociales locales de remboursement des dettes (Shipton, 2007). De plus, si les taux apparaissent moins élevés que ceux communiqués, ils n'en restent pas moins fortement supérieurs à ceux des autres prêteurs (14 p. 100 de prêts complètement remboursés à l'échéance en 1991, 60 p. 100 un an après).
Microfinance et subventions
Il est également frappant aujourd'hui qu'un outil censé s'autofinancer attire toujours autant de subventions (la Grameen Bank elle-même a toujours recours aux subventions). Le fait que ces subventions soient justifiées dans les phases de démarrage n'est pas remis en cause, mais les partisans de l'autosuffisance souhaitent que les institutions fondent la croissance de leur capital sur d'autres sources (émission d'actions comme Financiera Compartamos au Mexique, la plus grande institution de microfinance d'Amérique latine ; mobilisation de l'épargne ou obtention de fonds auprès des banques commerciales si elles sont assez profitables). Cependant, il est difficile de mettre sur le même plan des institutions de microfinance autosuffisantes telle qu'ASA au Bangladesh, qui se concentre sur des services bancaires pour les pauvres, ou Compartamos, dont les taux d'intérêt sont proches de 110 p. 100 annuels et qui touche une clientèle un peu moins pauvre, et des institutions comme la BRAC au Bangladesh ou Freedom from Hunger dans différents pays, qui octroient, en complément de leurs services financiers, des services non financiers (éducation, santé, formation professionnelle). Avoir une clientèle plus pauvre et proposer des services non lucratifs a un coût qu'il est difficile de répercuter sur les emprunteurs tout en gardant pour objectif de lutter contre la pauvreté.
Quels impacts ?
De multiples anecdotes appuyées par des success-stories individuelles ont été mobilisées pour insister sur les impacts positifs qu'ont pu avoir des programmes de microcrédit. Les impacts mis en avant peuvent être économiques, au niveau du ménage (augmentation du revenu, de la consommation, des actifs, réduction de la variabilité[...]
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Écrit par
- Marie GODQUIN : docteure en économie
- Solène MORVANT-ROUX : docteure en économie
Classification
Autres références
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