MIGRATIONS ANIMALES
La fin de la migration des grands herbivores ?
Pour le grand public, le terme migration est le plus souvent associé aux oiseaux. Pourtant, bien d'autres animaux se déplacent sur des distances parfois très importantes. C'est le cas des mammifères marins, de certains poissons, d'insectes, etc. De même, de grands vertébrés terrestres peuvent, ou du moins pouvaient, parcourir des milliers de kilomètres de façon saisonnière. En effet, en moins de 150 ans, 95 p. 100 des migrations de ces grands mammifères – ainsi que les routes qu'ils empruntaient – ont disparu. Aujourd'hui, il n'existerait plus qu'une centaine de populations migratrices, représentant moins de trente espèces. Compte tenu de l'évolution de l'empreinte écologique humaine, il est probable que ce nombre se réduise encore.
Le souvenir des migrations
Les plus importantes migrations d'herbivores ne sont plus qu'un souvenir. Ainsi, par exemple, le springbok (Antidorcas marsupialis), antilope d'Afrique australe célèbre pour ses bonds étonnants, est aussi connu pour ses migrations qui, autrefois, réunissaient des centaines de milliers d'individus. En 1896, à la suite d'une sécheresse dans le Namaqualand (région aride d'Afrique du Sud et de la Namibie), un troupeau d'un demi-million d'animaux, s'étalant sur plus de 220 kilomètres de longueur et 24 kilomètres de largeur, se dirigea vers la colonie de Kimberley, près de la rivière Orange. Les Boers, pour protéger leurs cultures, organisèrent alors une vaste opération d'abattage, sacrifiant des centaines de milliers de springboks : les peaux furent payées 5 ou 6 pences et la viande fut séchée. Ce fut le dernier troupeau de cette importance pour cette espèce.
Aux États-Unis, on estime que la migration des bisons pouvait réunir de 20 à 40 millions d'animaux. Les descriptions de ces mouvements sont saisissantes : les témoins dépeignent des plaines couvertes de bisons à perte de vue. Un abattage systématique est entrepris au cours du xixe siècle, pour diverses raisons, notamment celle de priver les Amérindiens d'une de leurs principales sources de subsistance. Au milieu des années 1880, on ne compte plus que quelques centaines de bisons. L'espèce sera sauvée de justesse grâce aux actions entreprises à partir des années 1890 : il s'agit là de l'une des premières réussites du mouvement de conservation de l'environnement aux États-Unis.
Le contexte écologique des migrations
Les animaux migrent souvent pour s'alimenter, leur milieu, du fait de son évolution saisonnière, ne pouvant fournir la nourriture nécessaire à leur développement : les espèces des montagnes suivent l'apparition des pâturages, les espèces des zones arides font de même. Cependant, pour de nombreuses espèces, on ignore les raisons exactes de leurs déplacements. D'autant que ces migrations sont souvent source de dangers. En effet, les troupeaux de migrateurs sont suivis par de nombreux prédateurs : en Amérique du Nord, les loups côtoient les caribous ; en Afrique, les hyènes suivent les gnous. À ces périls naturels s'ajoutent désormais les dangers provoqués par l'anthropisation des milieux : routes, chemins de fer, villes, zones agricoles, clôtures... Le problème des frontières politiques vient se greffer à ces obstacles physiques, la protection d'une espèce n'étant possible qu'avec l'accord de tous les pays concernés. Enfin, certains chercheurs pensent que la forte réduction des populations animales a entraîné une perte de la connaissance des routes à emprunter, les survivants ne sachant plus quel chemin suivre pour migrer.
Les espèces migratrices posent un certain nombre de problèmes en matière de conservation. En effet, la protection des aires géographiques hivernales et estivales ne suffit pas, il faut[...]
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Écrit par
- Valérie CHANSIGAUD : docteur en sciences de l'environnement, historienne des sciences et de l'environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot
- Jean DORST : membre de l'Académie des sciences, directeur honoraire du Muséum national d'histoire naturelle
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