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CERVANTÈS MIGUEL DE (1547-1616)

Cervantès - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Cervantès

Aux yeux de la postérité, Cervantès incarne le génie littéraire d'une nation : un destin qu'il partage avec Dante, Goethe et Shakespeare, mais qui, dans son cas, s'assortit d'un curieux privilège, celui d'être le seul écrivain espagnol à avoir atteint une renommée pleinement universelle. Cette renommée, il la doit assurément à Don Quichotte. Mais, si le destin de l'ingénieux hidalgo a projeté celui-ci bien au-delà du récit de ses aventures, le mythe qu'il incarne désormais est d'abord lié à l'avènement d'une forme cardinale de la fiction en prose, que l'on appelle aujourd'hui le roman moderne. Cervantès est réputé en être le créateur : réputation fondée si l'on prend la mesure exacte de sa contribution, mais qui, comme il se doit, ne lui a pas été accordée de son vivant par ses lecteurs. S'ils ont ri aux exploits de Don Quichotte, leurs préférences sont allées davantage à La Galathée ou au Persiles, que nous ne lisons plus guère aujourd'hui, ou encore aux Nouvelles exemplaires, que nous continuons de lire, mais d'un autre œil. La modernité de Cervantès n'est donc pas le signe distinctif d'un “système” de pensée qui, comme on l'a cru naguère, exprimerait les tensions d'un âge de crise à travers un questionnement des valeurs établies. Elle tient plutôt à la vertu d'une écriture, transparente et néanmoins ambiguë, grâce à laquelle son œuvre, inscrite au départ dans le climat culturel d'une époque aujourd'hui révolue, a débordé, au fil de ses réceptions successives, le dessein qui l'avait engendrée.

Les aléas d'une vie

Fils d'un chirurgien qui se disait hidalgo, mais dont les ascendants maternels semblent avoir été liés au milieu des nouveaux chrétiens de Cordoue, Miguel de Cervantes Saavedra naît en 1547 à Alcalá de Henares. On ne sait à peu près rien de ses premières années. Quatre poésies, publiées en 1569 à Madrid par son maître, l'humaniste Juan López de Hoyos, marquent ses débuts littéraires, aussitôt interrompus par un brusque départ pour l'Italie. Soldat, il prend part aux campagnes de don Juan d'Autriche ; il est blessé à la bataille de Lépante, en 1571, à la main gauche. Alors qu'il rentrait en Espagne, il est capturé, en 1575, par les Barbaresques. Au bout de cinq années passées comme esclave à Alger, pendant lesquelles, à quatre reprises, il tente vainement de s'évader, il est racheté par les Trinitaires et retrouve les siens à Madrid. En 1585, quelques mois après son mariage avec Catalina de Salazar, de vingt-deux ans sa cadette, il publie un roman pastoral, La Galathée, tout en faisant jouer sur les scènes madrilènes des pièces aujourd'hui perdues, à l'exception de La Vie à Alger et de Numance. Deux ans plus tard, il part pour l'Andalousie, qu'il va parcourir pendant dix ans, d'abord comme munitionnaire, puis en qualité de collecteur d'impôts. Emprisonné en 1597 à Séville, à la suite de démêlés avec le Trésor public, on le retrouve en 1605 à Valladolid, alors siège de la cour, au moment même où la publication de la première partie du Don Quichotte marque son retour aux lettres. En 1607, il s'installe à Madrid, que vient de regagner Philippe III. Pendant les neuf années qui lui restent à vivre, Cervantès, malgré deuils familiaux et déceptions intimes, assied définitivement sa réputation d'écrivain : tout en faisant paraître en 1613 les Nouvelles exemplaires, en 1614 le Voyage au Parnasse, en 1615 les Comédies et intermèdes et la seconde partie du Don Quichotte, il poursuit la rédaction des Travaux de Persiles et Sigismonde, qu'il termine deux jours avant sa mort, le 22 avril 1616, et qui paraîtra posthume en janvier 1617.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-X-Nanterre, directeur de la Casa de Velázquez, Madrid (Espagne)

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Médias

Cervantès - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Cervantès

Don Quichotte, A. Schroedter - crédits : AKG-images

Don Quichotte, A. Schroedter

<it>Don Quichotte et Sancho Pança</it>, A. Decamps - crédits :  Bridgeman Images

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