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SADOVEANU MIHAIL (1880-1961)

Les drames des solitudes

On se tromperait en imaginant quelque dialectique faisant suivre des récits urbains à des récits villageois. En vérité, ces deux types de récits s'entremêlent, chronologiquement, dans l'œuvre de Sadoveanu. Et les contraintes qui pèsent sur les citadins se retrouvent, d'un autre ordre quoique aussi lourdes, à la campagne. L'agglomération se dissipe dans les grands espaces, les individus ne sont plus écrasés par l'entourage ni réduits par des violences extérieures, mais, à l'écart de la civilisation oppressante, ils tombent sous la sujétion toute intérieure de leur nature, modelée et figée depuis le fond des âges. C'est une certaine sauvagerie qui les menace. Dans Crîşma lui Moş Precu, 1904 (Le Cabaret du père Précou), défilent d'inquiétants personnages, facilement ivrognes et tourmentés de vagues énergies qui ne demandent qu'à exploser. Le cabaret, pour ces êtres frustes, est analogue à ce qu'est l'ermitage pour le moine. Ici comme là, on médite et l'on cherche à prendre conscience de son propre mystère. Or, l'isolement du berger ou du garçon de ferme devant son verre de ţuicǎ (eau-de-vie de prunes), en dépit du tumulte qui l'entoure, est pareil à celui du sihastru, du « solitaire ».

Certes, le moine ne se livre pas, comme font les convives réunis à l'Auberge d'Ancoutsa (Hanu Ancuţei, 1928), à de riches festivités gastronomiques. Ici, la communication s'établit, si l'on peut dire, et l'accord des âmes se noue dans la célébration de la cuisine moldave. Il y a du Gargantua chez tout Moldave vu par Sadoveanu, sinon chez Sadoveanu lui-même.

Cependant, la jovialité n'efface pas la hantise du drame toujours prochain, tel celui que connaît la paysanne Vitoria, l'héroïne de Baltag (La Cognée). Son mari, un berger, a disparu. Elle a l'intuition qu'on l'a assassiné et elle cherche à le prouver en se lançant toute seule dans l'enquête. Ce qui la guide, c'est la connaissance intime des lois de la transhumance : elle lui permet de tout reconstituer et de découvrir où et par qui son mari a été tué.

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'Institut national des langues et civilisations orientales et à l'université de Paris-Sorbonne

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  • ROUMANIE

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    ...une réalité de la guerre froide sans échappatoire. Quelques écrivains de la génération d'avant guerre prêtent leur plume à la révolution : le romancier Mihail Sadoveanu (1880-1961), qui avait produit une œuvre importante dans les années 1930 avec HanuAncutei, ZodiaCancerului, Baltagul..., réécrit après...