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SADOVEANU MIHAIL (1880-1961)

Le passé, lieu privilégié des solitudes

Sadoveanu ne décrit pas la nature et le monde paysan du point de vue de l'observateur froid, sans sensibilité ni tendresse. Certes, les animaux domestiques ou sauvages, les arbres, les fleuves et les hommes aussi sont présentés tels qu'ils sont, mais ils bénéficient d'emblée, sans que nul effort d'idéalisation ni d'embellissement ne soit nécessaire, de l'attachement que l'on porte aux natures fortes, douées de « vertu », dans le sens italien du mot virtù. Que la Moldavie, telle qu'il l'a vue, ait été pour Sadoveanu un refuge d'élection, un vaste et accueillant ermitage de repli, on ne saurait en douter. Bien mieux, tel un amant avide de connaître, par une sorte de passion récurrente, les années d'enfance de sa bien-aimée, Sadoveanu explore le passé moldave et remonte à des époques sinon fabuleuses, du moins en partie mystiques et mythiques, bien que relativement récentes. Ainsi la noce de la princesse Ruxanda garde pour les Roumains une auréole de légende, même si elle se déroule sous le règne de Vasile Lupu, au xviie siècle.

Cependant, c'est plus haut dans le temps, vers la fin du xve siècle, lors de la glorieuse épopée de Ştefan cel Mare, Étienne le Grand, que Sadoveanu a situé sa trilogie Fraţii Jderi (Les Frères Jder, 1935). C'est un peu plus tard, sous le règne de Tomşa, que se déroule l'action de Neamul Şoimǎreştilor (La Famille des Shoïmar, 1915), et plus tard encore celle de Zodia Cancerului (Le Signe du Cancer, 1929), ce dernier roman étant fondé sur la fiction d'un voyage accompli en Moldavie par un Français, l'abbé de Marennes, sous le règne de Duca-Vodǎ – le prince Duca – vers la fin du xviie siècle.

Assurément, la peinture de ces rudes époques n'est pas idéalisée et les récits de malheurs et d'injustices ne manquent pas dans ces fresques historiques. Cependant, il en émane avant tout comme un regret, une nostalgie et l'amer souvenir d'un temps de gloire et de grandeur qui ne reviendra plus.

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'Institut national des langues et civilisations orientales et à l'université de Paris-Sorbonne

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  • ROUMANIE

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    ...une réalité de la guerre froide sans échappatoire. Quelques écrivains de la génération d'avant guerre prêtent leur plume à la révolution : le romancier Mihail Sadoveanu (1880-1961), qui avait produit une œuvre importante dans les années 1930 avec HanuAncutei, ZodiaCancerului, Baltagul..., réécrit après...