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VÖRÖSMARTY MIHÁLY (1800-1855)

En Vörösmarty, poète et dramaturge hongrois, s'incarnent, d'une façon exemplaire, les tensions et les contradictions du romantisme magyar qui coïncide, sur le plan historique, avec une époque de réformisme social et d'effervescence nationale. L'esprit du temps imposera à Vörösmarty le rôle du barde national, à qui incombent l'évocation d'un passé exemplaire glorieux et l'exaltation des devoirs civiques et patriotiques. Mais le poète, inspiré, visionnaire, hanté par ses démons secrets, transfigure plus d'une fois les genres appris et les sujets assumés ; le mythe éclôt au sein de la narration épique, le sublime s'installe dans les odes patriotiques et moralisantes ; on dirait alors qu'un Hölderlin moins métaphysique donne la main à un Hugo plus concis et plus pessimiste.

Homère et Ossian (1815-1830)

De par son statut sociologique, Mihály Vörösmarty représente une transition : né dans une famille modeste de hobereaux, à Nyék, en Transdanubie, il devient le porte-parole de la petite noblesse, mais aussi le premier écrivain hongrois, vivant de sa plume, qui s'ouvre aux idées humanitaires et bourgeoises. Sa formation poétique et une morale interdisant les impudeurs de la confession le destinent aux sujets objectifs et aux formes classiques ; sa sensibilité, sous un vernis souvent sentimental et idyllique, est pourtant déjà toute romantique.

Des tentations contradictoires toujours présentes et plus ou moins traduites par une alternance permettent à la critique de distinguer communément trois périodes dans l'évolution de Vörösmarty, qu'il écoute une voix intérieure ou qu'il mette sa plume au service d'une grande cause patriotique. Le poète lyrique, un génie précoce qui écrit autant de poèmes entre 1815 et 1823 que pendant le reste de son existence, ne cédera peut-être jamais si bien à ses inclinations morbides et fantastiques qu'à ses débuts. Certes, l'influence de ses maîtres préromantiques, des doux poètes érudits de l'école sentimentale et latinisante, se fait encore sentir. La métrique est antique, les inversions, appositions et anacoluthes suggèrent presque une saveur grecque ; mais la langue est neuve, la première qui ait su intégrer les apports de la grande réforme linguistique du siècle ; et surtout, l'inconscient, moins contrôlé ici, d'un précepteur déçu dans son amour pour une jeune élève noble redonne crédit à l'élégie amoureuse ou à l'épitaphe, aux visions de Liebestod et de revenants, aux désirs d'autopunition, qui le mènent à se voir enterré vivant ou vagabond éternel.

Cependant, le devoir appelle le jeune poète élégiaque ; c'est lui qui réalisera, au milieu des préparatifs de la Diète de 1825, un projet depuis longtemps attendu : l' épopée sur le grand sujet national, propre à réveiller le sentiment patriotique. Zalán futása, 1825 (La Déroute de Zalán), dont les dix chants écrits en hexamètres évoquent en une vaste fresque l'établissement des Hongrois dans la vallée du Danube au ixe siècle, s'inscrit de par son sujet – la fondation d'un royaume – dans la lignée d'Homère et de Virgile ; et il appartient à Vörösmarty d'inventer encore de toutes pièces, souvent grâce à une étymologie fantaisiste, une mythologie des anciens Magyars. Mais le poète est plus à l'aise dans un autre rôle, proposé aussi par l'époque : celui du barde ossianique, contempteur du présent abâtardi et chantre mélancolique d'un brillant passé à jamais éloigné. Il n'est donc pas étonnant que La Déroute de Zalán, plus fêtée que réellement lue, se soit présentée aux contemporains mêmes comme une œuvre composite : un peu fastidieuse, d'un héroïsme décoratif pour les scènes de bataille, délicate et sublime dans les épisodes secondaires, lyriques et[...]

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    Trois poètes règnent successivement pendant plus d'un demi-siècle sur le cœur et l'esprit des lecteurs hongrois. Mihály Vörösmarty (1800-1855) est l'auteur de poèmes lyriques et épiques dont la musique et le fonds spirituel peuvent se comparer aux chants de Hugo, de Vigny, de Shelley et de Hölderlin...