SALTYKOV-CHTCHÉDRINE MIKHAÏL EVGRAFOVIČ (1826-1889)
Le Swift russe, comme l'appela Tourguéniev, a passé sa jeunesse sous le règne de Nicolas Ier, qui l'envoya en exil ; il a partagé dans son âge adulte les illusions et les déceptions nées de réformes entreprises par Alexandre II, et fini tristement sa vie sous le règne d'Alexandre III, qui suspendit sa revue les Annales de la Patrie. Nourri de la même culture que Biélinski, Herzen, Granovski, Saltykov-Chtchédrine a mené autrement qu'eux le grand combat de l'intelligentsia contre les tares physiques et spirituelles de la Russie du xixe siècle : il a donné à toute son œuvre un caractère satirique dont la force atteint souvent encore le lecteur contemporain.
Un vaste champ d'observation : la Russie de Nicolas Ier
Mikhaïl Evgrafovič Saltykov, connu sous le nom de Saltykov-Chtchédrine (Ščedrin) naquit à Spas-Ougol, un pauvre village entre Tver et Iaroslavl, que sa famille possédait depuis deux siècles. À la différence d'Ivan Tourguéniev, Saltykov ne s'intéresse pas à la nature en elle-même, mais exclusivement aux hommes qui la peuplent ; sa propre famille figure avec son modeste domaine dans plusieurs de ses ouvrages. En particulier sa mère, despotique et avare, ses frères, courbés sous le joug et se disputant sournoisement la faveur maternelle, ont fourni les modèles à peine retouchés des personnages inoubliables qui se déchirent dans les Golovlev.
Éduqué par des précepteurs médiocres, Mikhaïl est envoyé en 1836 à l'Institut noble de Moscou ; puis, comme boursier, au fameux lycée de Tsarskoïé-Sélo, le lycée de Pouchkine, dont il sortit avec le rang de secrétaire de collège. Lié avec M. V. Pétrachevski, son aîné de cinq ans, Saltykov se nourrit avec passion des socialistes « utopiques » français, notamment de Fourier ; mais, rebuté par la confusion idéologique des Pétrachevtsy, il quitte leur cercle et raille ses anciens amis dans Une affaire embrouillée (Zaputannoe delo) qui paraît dans les Annales de la Patrie en mars 1848. Nicolas Ier y vit une apologie de la révolution et fit reléguer Saltykov à Viatka, tandis qu'un an plus tard les autres membres du cercle, au nombre desquels Dostoïevski, étaient déportés en Sibérie après avoir été condamnés à mort.
À Viatka, où A. I. Herzen avait été exilé, Saltykov passa huit années décisives pour son esprit. Au contact de la province russe, amené par ses fonctions à connaître de près les scandales dus à la corruption des employés, les litiges entre paysans et propriétaires, et même à persécuter dans les vastes forêts les vieux-croyants afin de hâter la fin de son exil, Saltykov amassa les expériences d'où il sut tirer la part la plus significative de son œuvre.
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Écrit par
- Michel CADOT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
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RUSSIE (Arts et culture) - Le théâtre
- Écrit par Béatrice PICON-VALLIN et Nicole ZAND
- 8 643 mots
...comme Balalaikine & Cie, sous la direction de Tovstonogov ; tiré d'un roman satirique, Idylle contemporaine, écrit à la fin du xixe siècle par Saltykov-Chtchédrine, cette pièce montre comment deux libéraux de Saint-Pétersbourg vont entrer, avec une certaine répulsion au début, dans une vie parfaitement...