GORBATCHEV MIKHAÏL (1931-2022)
Le nom de Mikhaïl Gorbatchev est associé à la fin de la guerre froide. Le dernier secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique, en lançant un processus de démocratisation, la perestroïka, dont il espérait qu'il redynamiserait le pays, a précipité la chute d'un régime que l'on croyait inébranlable et ouvert la voie à la réunification de l'Europe.
Hasards et nécessités d'une trajectoire
Mikhaïl Gorbatchev est un homme profondément soviétique. Il est issu d'une famille paysanne ralliée au communisme et, dès l'âge de dix-sept ans, il est décoré de l'ordre du Drapeau rouge pour le travail effectué au côté de son père, conducteur d'engins agricoles au village de Privolnoïe (où il est né le 2 mars 1931), situé dans la région de Stavropol, dans le Caucase du Nord. Sa trajectoire est dès lors typique, si ce n'est par l'âge précoce auquel il franchit les diverses étapes. Il gravit les échelons d'abord au sein de l'appareil du Komsomol (Jeunesses communistes) puis du Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS), dont il devient membre en 1952, soit juste avant la mort de Staline. Il atteint le sommet de cette carrière provinciale en avril 1970, en devenant le premier secrétaire du territoire (kraï) de Stavropol, promotion qui fait de lui l'un des plus jeunes dirigeants de région. Proche des gens, attentif notamment aux questions agricoles (il ajoute à son diplôme initial de droit une qualification d'agronome), il passera vingt-trois ans comme apparatchik dans sa région natale, dont huit comme numéro un de la nomenklatura locale.
Mais ses qualités d'administrateur ne l'auraient peut-être pas porté au sommet de l'État, n'étaient les ressources thermales locales, qui attirent en villégiature de hauts dignitaires dont on peut penser qu'ils sont séduits par les qualités du jeune responsable, alliant dynamisme et loyauté, zèle et intégrité. Il retient l'attention de Mikhaïl Souslov (gardien de l'orthodoxie) puis de Leonid Brejnev ; mais c'est surtout grâce à Iouri Andropov, alors président du KGB, que sa carrière nationale débute : il est élu au comité central en 1971, puis à son secrétariat en 1978, devenant très rapidement le benjamin du Politburo (1980), institution qui le porte à sa tête le 11 mars 1985. Ce faisant, alors que les enterrements successifs des numéros un du parti (Brejnev, Andropov, Tchernenko) semblaient illustrer l'agonie du régime, les gérontes se décidaient à choisir un homme neuf, capable de le redynamiser.
Le nouveau secrétaire général appartient à une autre génération, marquée par une histoire différente. Il a grandi après les grandes purges staliniennes, c'est un « soixantard » (chestidesiatnik), c'est-à-dire que ses années de formation ont coïncidé avec le dégel des années 1960, période d'ouverture qui s'accompagna aussi d'un regain de la foi dans le socialisme. Gorbatchev a été délégué au XXIIe congrès, qui a voté pour que le corps de Staline soit retiré du mausolée (oct. 1961). Jeune étudiant à Moscou, il a participé aux débats enflammés qui animaient le foyer universitaire où il vivait, se liant d'amitié avec un jeune Tchèque, Zdeňek Mlyná̌r, qui sera l'une des figures du Printemps de Prague.
La curiosité et l'ouverture d'esprit de ce communiste convaincu seront ensuite constamment alimentées par les discussions avec Raïssa, étudiante en philosophie devenue sa compagne, mais aussi par les épisodes de sa vie d'homme d'appareil : lors des funérailles du dirigeant communiste italien Enrico Berlinguer (1984), il est remué par la ferveur que suscite ce chantre de l'eurocommunisme ; un voyage d'étude au Canada l'année précédente avait aiguisé la conscience qu'il avait des problèmes agricoles et lui avait donné l'occasion[...]
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Écrit par
- Myriam DÉSERT : professeure émérite en civilisation russe à Sorbonne-université
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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