GORBATCHEV MIKHAÏL (1931-2022)
La boîte de Pandore
La « révolution par en haut », lancée sans vrai programme, a besoin de relais. Le parti, principale courroie de transmission du pouvoir, ne convient plus guère à cette fonction : il est ébranlé par la destitution de nombreux responsables et sera bientôt le lieu d'une fronde ouverte. La société, même si elle est séduite, est attentiste, craignant d'avoir affaire à une nouvelle tentative de mobilisation volontariste. C'est sur l'intelligentsia que Gorbatchev va s'appuyer. La glasnost (transparence), qui lui rend la liberté de parole, suscite une inflation critique, alors que c'est une aide à la modernisation du système qui en était attendue. Les années 1988-1989 voient la radicalisation de l'opinion, la multiplication des mobilisations, avec pour point culminant la première session de l'organe législatif rénové, le Congrès des députés du peuple.
Le 15 mars 1990, cette institution entérine le principe du pluripartisme et élit Mikhaïl Gorbatchev président de l'URSS. Cette fonction est créée pour conférer au secrétaire général d'un parti désormais privé de son monopole une légitimité nationale, mais celle-ci est perdue, comme l'attestent les slogans critiques lors de la célébration du 1er-Mai suivant, qui amènent Gorbatchev à quitter la tribune officielle.
La situation générale se dégrade. L'économie est d'autant plus désorganisée qu'une partie des élites technocratiques ébauche déjà un « capitalisme » inavoué, privatisant de facto certains biens publics. Le tissu économique se délite également du fait des mouvements séparatistes. Si le XXe congrès (1956) eut pour conséquence le dégel, ce qui est qualifié de troisième mort de Staline provoque la débâcle : on parle de katastroïka.
Gorbatchev est abandonné tant par ceux qui pensent que les réformes vont trop loin, que par ceux qui déplorent que les changements n'aillent pas assez vite. Il perd de plus en plus la maîtrise des processus qu'il a mis en œuvre et, à l'automne de 1990, les pleins pouvoirs que lui confère un vote du Congrès des députés pour mener à bien les réformes ne font tout au plus qu'alimenter l'accusation de « démocrature ». Désireux de préserver le compromis avec les forces conservatrices du PCUS, il appelle au pouvoir ceux-là mêmes qui vont précipiter sa chute. Dans le même temps, sa position est fragilisée par la montée en puissance d'un homme qu'il a également contribué à propulser dans l'arène politique, Boris Eltsine, fort de la popularité que lui vaut sa rébellion contre l'appareil du PCUS (qu'il quitte en juillet 1990) et de la légitimité que lui confère son élection au suffrage universel, en juin 1991, comme président de la République socialiste fédérative soviétique de Russie.
Quand les communistes conservateurs font une tentative de putsch en août 1991, pour empêcher notamment que soit adopté le nouveau Traité fédéral que dictent les mouvements séparatistes de plus en plus affirmés dans certaines des républiques socialistes, Boris Eltsine se dresse et, paradoxalement, abat Mikhaïl Gorbatchev en le libérant de l'étau des putschistes. Ce dernier quitte la scène politique avec les deux institutions qu'il incarnait, le PCUS d'abord (qui est suspendu en août), puis l'URSS (qui disparaît avec la création de la Communauté des États indépendants). Après l'allocution télévisée du 25 décembre au cours de laquelle il annonce sa démission de la présidence de l'URSS, le drapeau tricolore russe remplace l'étendard soviétique sur le Kremlin.
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Écrit par
- Myriam DÉSERT : professeure émérite en civilisation russe à Sorbonne-université
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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