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MILAN

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La ville contemporaine

Galerie Victor-Emmanuel II, Milan - crédits : G. Berengo Gardin/ De Agostini/ Getty Images

Galerie Victor-Emmanuel II, Milan

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À l'échelle de l'Italie ou sur le plan international, Milan constitue un espace urbain mythique : il associe à la fois la tradition et l'innovation. Milan réunit, de façon unique pour l'Italie, toutes les caractéristiques d'une aire métropolitaine : la taille, la densité de population, l'hétérogénéité ethnique et sociale, un important réseau d'entrepreneurs, des élites artistiques et scientifiques, une forte spécialisation dans les domaines de la finance, de la mode, des médias, de la recherche et du développement. Sa structure fonctionnelle domine une aire très vaste qui dépasse ses limites régionales. L'essor industriel de Milan, à partir de la fin du XIXe siècle, a renforcé la base économique de la ville et la prospérité de ses habitants en la transformant en une « ville complète », mais cet essor a aussi contribué à l'accentuation des contradictions formelles et fonctionnelles qui sont lisibles dans son espace.

L'espace milanais et sa population

Où commence et où se termine Milan ? Si la piazza del Duomo et le quartier des Navigli (cours d'eau et canaux recouverts à partir de la fin du xixe siècle) constituent le noyau historique incontestable de la ville, ses limites extérieures sont à rechercher au-delà des limites communales, voire au-delà de celles de la Lombardie. Les limites du Plan intercommunal milanais (P.I.M.) ont varié (35 communes en 1961, 94 communes en 1967 et 106 en 1977). Certains privilégient les limites du département (rebaptisées città metropolitana). Des études sur le développement de la ville ont montré la formation d'une conurbation basée sur une structure polycentrique de villes moyennes et des segments urbanisés de type radial et interradial. L'observation des images satellitaires confirme ce type d'urbanisation diffuse.

En 1861, Milan ne comptait que 267 000 habitants, sa population n'a ensuite cessé de croître. Elle devient une ville millionnaire en 1941 et atteint son plus grand nombre d'habitants en 1971 (1,7 million). À partir de cette période, on assiste au déclin de la population du noyau central et à une croissance suburbaine qui concerne les première et deuxième couronnes métropolitaines. La ville ne compte alors plus que 1,3 million d'habitants lors du recensement de 2001. Jusqu'en 1981, cette suburbanisation a compensé les pertes du centre. Durant la période 1991-2001, l'ensemble de l'aire métropolitaine est en déclin et le poids des couronnes périurbaines dépasse celui du noyau central. À partir de 2001, on constate aussi un ralentissement de la suburbanisation : la première couronne perd de la population et la deuxième enregistre une faible croissance. Les données de l'état civil indiquent cependant, entre 2001 à 2005, une forte reprise migratoire à destination de Milan et un net processus de réurbanisation. Ces dynamiques démographiques n'ont pas affecté les différents groupes sociaux de la même façon. Durant la période 1981-1991, le nombre des professions libérales, des cadres supérieurs et des chefs d'entreprise progresse (+ 50 p. 100), tandis que celui des ouvriers enregistre un déclin sensible (— 30 p. 100). Ce déclin dépasse — 40 p. 100 dans la zone centrale et varie entre — 20 et — 40 p. 100 dans les bastions ouvriers de la périphérie. En termes de concentration relative, le poids des élites augmente dans le noyau historique et dans les zones péricentrales de Magenta, Venezia et Città Studi. L'immigration internationale récente se concentre avant tout dans certaines niches des zones centrales et péricentrales. Les statistiques les plus récentes sur l'emploi indiquent une diminution, durant la période 1991-2001, du nombre des salariés de l'industrie dans la Provincia de Milan (— 5 p. 100) et dans sa région (— 11 p. 100) mais une progression des secteurs des services.

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Le binôme industrialisation-urbanisation a donné lieu à deux processus concomitants : d'une part, un développement de l'espace bâti qui a progressivement occupé tous les espaces libres à l'intérieur des limites administratives de la ville, et d'autre part, la formation d'une grande aire métropolitaine qui s'étend, compte tenu des relations d'interdépendance et de complémentarité territoriales, depuis la région des lacs jusqu'à Piacenza (Émilie-Romagne) et de Novare (Piémont) à la Vénétie. Or la planification territoriale n'a pas assez tenu compte de la dimension réelle des processus d'urbanisation. En outre, la fonction des espaces limitrophes de Milan s'est limitée à celle de réceptacles de la déconcentration des populations et des activités économiques modestes durant la période de la croissance (1951-1973).

L'évolution de la forme urbaine

Milan possède une structure urbaine concentrique. La première zone délimitée par les Navigli constitue le noyau historique de la ville ; la deuxième zone correspond à l'expansion de la période espagnole. À l'intérieur de ces zones centrales se trouvent l'espace résidentiel des élites économiques et les activités les plus prestigieuses.

Les limites administratives de la ville contemporaine résultent des annexions progressives de plusieurs communes limitrophes : en 1873, la commune de Corpi Santi fut annexée, suivie par les communes de Greco Milanese et Turro Milanese. La dernière annexion, en 1923, concerne douze communes périphériques : Biaggio, Trenno, Musocco, Affori, Niguarda, Greco, Gorla, Precotto, Crescenzago, Lambrate, Chiaravalle et Vigentino.

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La ville ancienne représente aujourd'hui 4,5 p. 100 de la superficie totale de la commune de Milan, tandis que les extensions de 1873 et 1923 en représentent respectivement 36 p. 100 et 60 p. 100.

Le centre historique est caractérisé par une grande diversité architecturale, mêlant des styles allant du Moyen Âge et de la Renaissance (Duomo, Castello Sforzesco) à l'architecture fasciste des années 1920 et au rationalisme lombard de la Torre Velasca de 1958. L'hétérogénéité du nouveau noyau central, où l'architecture de qualité côtoie les réalisations hâtives et monotones, a été accentuée par la gestion spéculative de la ville durant le régime fasciste, puis par les destructions de la Seconde Guerre mondiale, suivies des contradictions de la reconstruction hâtive et par l'industrialisation exceptionnelle de la période du boom économique des années 1960.

Jusqu'aux années 1960 et 1970, on y observait une certaine diversité sociale, des quartiers de la haute bourgeoisie côtoyant des quartiers populaires. Depuis les années 1980 ne restent que les couches sociales les plus aisées. La partie péricentrale, quant à elle, demeure plus homogène : elle est habitée par les classes intermédiaires, mais elle connaît aussi des processus de tertiarisation et de gentrification.

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Dans la périphérie prédominent les grands ensembles où habitent les classes intermédiaires et populaires. Dans cet espace, il y a une faible concentration de services, une faible accessibilité et une forte ségrégation sociale des couches les plus démunies. Cependant, les couronnes suburbaines abritent aussi des espaces résidentiels aisés comme San Donato, ou Milano 2 et Milano 3, construits par un promoteur immobilier du nom de Silvio Berlusconi.

La transformation de l'espace industriel

À partir de la fin du xixe siècle, Milan confirme sa place comme centre industriel le plus important de l'Italie. La ville domine, avec Turin, la scène économique du pays. Au niveau européen, elle est au cœur de l'extrémité méridionale de la « banane bleue ». Des noms comme Alfa Romeo, Magneti Marelli, Pirelli, Montedison, Rizzoli évoquent des industries dynamiques du territoire milanais. La nébuleuse des industries conditionne la forme de la ville et la physionomie de ses quartiers. Durant la période 1950-1963, le dynamisme industriel et urbain attire des flux migratoires importants vers la capitale lombarde. Durant la période 1958-1970, le département de Milan a accueilli 440 000 migrants et la région 740 000. Ces flux venaient des régions limitrophes du Nord et des régions périphériques des Pouilles, de Campanie et de Sicile. Durant la même période, on remarque également une forte augmentation et un étalement territorial des migrations alternantes domicile-travail à destination de Milan.

Dans les années 1970 commence la phase de désindustrialisation-désurbanisation et la transformation radicale de la base économique et de la structure socioprofessionnelle de l'aire métropolitaine. Les lieux du dynamisme et de la fierté milanaises se transforment en friches industrielles, qui représentent aujourd'hui 15 millions de mètres carrés. Dans certaines communes comme Sesto San Giovanni – surnommé le Stalingrad italien –, Rho, Corsico, l'industrie occupait plus du tiers de la superficie totale.

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La période postindustrielle est marquée par une compétition interurbaine et internationale croissante. Milan est alors l'objet de transformations radicales dont la majorité concernent les requalifications des espaces industriels. Parmi les plus importantes :

– le plan de développement intégré de Garibaldi-Repubblica, situé au centre de la ville à proximité de la gare centrale, qui accueillera un pôle institutionnel et la Città della Moda ;

– le quartier Portello, ex-zone d'Alfa Romeo et de Lancia (création d'un parc, de résidences et de commerces) ;

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– le projet Rho Pero, inauguré en 2005, nouveau siège de la Fiera di Milano, constitue le plus important pôle de foires européen ;

Musée du design, Milan - crédits : Cassidy Tahu/ Shutterstock.com

Musée du design, Milan

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– la requalification du quartier historique de la Fiera, situé au centre de Milan, accueillant un Centre du Design et un Musée du Design ;

– les friches industrielles de l'ex-Montedison sont transformées en une vaste zone urbaine et parc d'activités (Montecity), projet confié à l'architecte britannique Norman Foster ;

– les sites de Pirelli-Bicocca et de Bovisa avec de nouveaux pôles universitaires et d'espaces résidentiels.

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Ces interventions ont fait l'objet de concours internationaux d'architecture et beaucoup de réalisations sont de grande qualité, mais elles ne s'inscrivent pas dans un projet global d'urbanisme.

Milan, même si elle demeure la métropole la plus accomplie de l'Italie et la ville la plus dynamique en termes de nouveaux projets urbains de grande envergure, doit consolider sa place à la fois au sein de l'armature urbaine italienne et dans la hiérarchie européenne. L'amélioration des infrastructures de communication et de transport jouera un rôle primordial pour le développement de sa structure économique. Mais sa position dans le réseau urbain italien et mondial dépend aussi de l'évolution de l'économie nationale. Les difficultés d'Alitalia, qui annonce en février 2008 des réductions drastiques des vols au départ de Milan, en sont un exemple.

— Petros PETSIMERIS

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Écrit par

  • : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
  • : professeur de géographie humaine à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, visiting professor à l'université de Barcelone

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Italie : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Italie : carte administrative

Cathédrale de Milan - crédits :  Bridgeman Images

Cathédrale de Milan

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Risorgimento, Milan, 1848

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