BALAKIREV MILI ALEXEÏEVITCH (1837-1910)
Né à Nijni-Novgorod de parents peu fortunés, Balakirev, dès l'enfance, fut attiré par la musique, mais, faute de ressources matérielles, son instruction théorique se borna à dix leçons de piano que lui donna un excellent professeur, Dubuc. À seize ans, il fit la connaissance d'Oulybychev, un riche mélomane, auteur de la première biographie de Mozart, qui disposait, dans sa propriété, d'un orchestre réduit. Successivement, il confia au jeune homme des travaux de copie, puis des « arrangements » et, en fin de compte, la direction de son orchestre. Ainsi, d'une manière purement empirique et à force de disséquer lui-même des œuvres de grands compositeurs, Balakirev put acquérir quelques notions de composition musicale. Fort de ces connaissances, il résolut d'entreprendre une réforme de la musique et partit pour Saint-Pétersbourg où, se méfiant des vrais professionnels en raison de ses propres lacunes (il est à signaler d'ailleurs que le premier conservatoire russe ne fut inauguré qu'en 1862 — jusqu'alors les futurs compositeurs allaient étudier à l'étranger), il s'entoura d'un groupe d'amateurs autodidactes comme lui : Cui, Moussorgski, Borodine et Rimski-Korsakov. De la sorte se trouva fondé le « groupe des Cinq », dont la cohésion s'avéra de courte durée. « Lâché par sa couvée » (selon ses propres termes), Balakirev chercha une consolation dans le mysticisme, dans l'organisation d'une école de musique et de concerts publics gratuits. Ces entreprises aboutirent à ce qu'il appela son « Sedan musical » : l'orchestre présent au grand complet, Balakirev au pupitre et... un auditeur dans la salle. De dépit, pour cinq ans, il se fit chef de gare. En 1877, il regagna Saint-Pétersbourg, mais ce n'était plus le même homme : son enthousiasme éteint, il ne composa plus que des œuvres peu originales, d'une grande sagesse.
Pourtant, il avait eu une très grande personnalité de créateur, une personnalité qu'on ne sait plus apprécier de nos jours. En écoutant une de ses œuvres, on a en effet l'impression d'entendre tour à tour Borodine, Moussorgski, Rimski-Korsakov. Passionné par l'enseignement, apôtre plus encore que compositeur par vocation, Balakirev a distribué sa propre personnalité entre ses disciples, laissant chacun lui prendre ce qui convenait le mieux. Si Moussorgski, Borodine et Rimski-Korsakov n'avaient pas vécu, il aurait sans aucun doute passé pour un des plus grands compositeurs russes. Et, de toute façon, du point de vue de l'histoire son rôle est considérable, tant il a su deviner, encourager et modeler de jeunes musiciens sur qui il disposait d'une autorité tellement considérable que Rimski-Korsakov a pu parler d'un pouvoir quasi magnétique.
Balakirev, très exigeant pour les autres et pour lui-même, composait lentement (ne lui fallut-il pas près de vingt ans pour mettre définitivement au point son poème symphoniqueThamar dont l'audition dure à peine vingt-cinq minutes !). Néanmoins, il a laissé un catalogue relativement important : deux symphonies, deux beaux poèmes symphoniques (Thamar et Russie), une Ouverture espagnole, une Ouverture tchèque, une musique de scène pour Le Roi Lear de Shakespeare, un grand nombre de nocturnes, scherzos, mazurkas et valses pour piano, une sonate, une quarantaine d'excellentes mélodies — sans oublier le célèbre Islamey qui fut longtemps le cheval de bataille des pianistes virtuoses. Toutes ces œuvres prolongent Glinka et répondent à son dessein dans la mesure où elles concilient le respect des formes occidentales traditionnelles avec le culte d'un nationalisme musical.
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Écrit par
- Michel-Rostislav HOFMANN : membre de la Société des gens de lettres et de l'Académie Charles-Cros
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Autres références
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- Écrit par Michel-Rostislav HOFMANN
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