INTERPLANÉTAIRE MILIEU
Le mécanisme d'expansion du vent solaire
L'idée d'une extension de l'atmosphère solaire jusqu'à l'orbite terrestre était donc en gestation dans les années 1950 mais les physiciens ne disposaient pas d'une interprétation théorique de ce phénomène ; par ailleurs les données quantitatives sur les paramètres du fluide en expansion, sur l'aspect continu ou non du processus étaient bien maigres. Les résultats de l'analyse des queues cométaires étaient les plus décisifs et fournissaient même la preuve que l'expansion était quasi stationnaire puisque toutes les queues de comètes ionisées, quelle que soit leur trajectoire, étaient repoussées dans la direction anti-solaire.
Les premiers modèles théoriques d'une atmosphère solaire relativement froide s'évaporant dans le vide ne pouvaient pas conduire aux vitesses d'expansion déduites des observations ; ils n'en devinrent capables qu'après la prise en compte d'un fait observationnel important : le Soleil est enveloppé d'une couronne portée à plus d'un million de degrés. Ce fait était établi par la détection optique de raies d'éléments ionisés ne pouvant exister qu'à de très hautes températures et par la mesure des émissions radio du Soleil qui marquèrent les débuts de la radioastronomie. À deux millions de degrés tout le matériau coronal est ionisé ; ce plasma de protons et d'électrons peut s'échapper plus facilement du champ d'attraction gravitationnel qu'un gaz neutre. En effet, les électrons, très légers, ont des vitesses d'agitation thermique très élevées (plus de 5 000 km/s) et tendent à s'extraire de l'atmosphère solaire ; mais, comme celle-ci ne peut pas se charger électriquement de façon perpétuelle, il se crée par séparation de charges un champ électrique qui couple les mouvements des protons et des électrons. De ce fait la vitesse de libération du champ d'attraction solaire est plus faible pour un proton que pour un atome d'hydrogène neutre : les protons sont en quelque sorte entraînés par les électrons.
Un pas décisif dans la modélisation de l'expansion du plasma coronal fut franchi par Eugene Parker en 1958. Le fondement de son modèle consiste à comparer la dynamique du vent solaire (baptisé ainsi par Parker) à l'écoulement d'un fluide dans une tuyère de fusée. Pour obtenir un écoulement supersonique à la sortie d'une tuyère, il faut schématiquement trois ingrédients : une chambre de combustion où le fluide est porté à une très haute température, des parois qui résistent aux très hautes pressions auxquelles se trouve porté le fluide, un trou qui ouvre cette chambre de combustion sur un espace où la pression résiduelle est très inférieure à celle régnant dans la chambre de combustion. Alors, le fluide s'échappe par le trou de la tuyère à des vitesses supersoniques. La couronne solaire est le siège du même processus : le plasma coronal est porté à très haute température par un processus de chauffage sur lequel nous reviendrons ; le champ d'attraction gravitationnel du Soleil joue le rôle des parois d'une chambre de combustion en contraignant le plasma à se maintenir dans la couronne sous une forte pression ; dans l'espace interplanétaire en revanche, il règne une pression résiduelle très faible. À partir d'une certaine altitude dans la couronne le plasma chaud a une vitesse d'agitation thermique égale à la vitesse de libération et ce seuil critique est équivalent au trou ménagé dans la chambre de combustion. Au-dessus de cette altitude le plasma solaire se déplace à des vitesses supersoniques suivant une direction radiale.
Le modèle de Parker fut contesté, mais en 1959 les sondes Luna-1, 2 et 3 détectèrent in situ le flux du vent solaire et, à partir[...]
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Écrit par
- Pierre COUTURIER : président de l'Observatoire de Paris
- Jean-Louis STEINBERG : astronome à l'Observatoire de Paris
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