TROPICAL MILIEU
Géomorphologie
Tel qu'il a été délimité au début de cet article, le domaine tropical s'étend sur quelque 20 % des terres émergées, de part et d'autre de l'équateur. Une aussi vaste étendue ne saurait constituer une unité morphodynamique et morphoclimatique. Il convient, en particulier, de différencier les régions forestières et celles de savanes, tant du point de vue des modalités de l'érosion que des modelés du relief. Par ailleurs, des héritages géomorphologiques y témoignent de variations climatiques subies par les unes et les autres au cours du Quaternaire.
Érosion et modelés en milieux forestiers
Processus d'érosion
L' érosion en milieux forestiers doit son originalité à la permanence de la chaleur et de l'humidité. En premier lieu, cette permanence assure, dans l'attaque des roches, la prépondérance absolue de l' altération biochimique sur les actions mécaniques. L'eau en est l'agent essentiel, renforcé par le dioxyde de carbone de l'atmosphère et par les acides humiques issus de la décomposition rapide de la matière organique fournie en abondance par la puissante couverture forestière. Selon l'acidité des roches attaquées et les conditions du drainage, l'hydrolyse des silicates et des constituants alumino-silicatés du matériel éruptif et métamorphique, abondant dans les boucliers tropicaux, donne divers produits de néoformation en proportions variables, par élimination différentielle d'un grand nombre des constituants primaires. Dans les bas-fonds marécageux dominent les argiles du type montmorillonite (bisiallitisation), alors que celles du type kaolinite se forment sur les versants (kaolinisation ou monosiallitisation). Le lessivage total de la silice, dans le cas de roches mères basiques, notamment, aboutit à une production d'hydroxydes de fer (goethite) ou d'aluminium (gibbsite) en fortes concentrations (latéritisation ou allitisation).
Les altérites issues de ces transformations, dont la puissance peut dépasser une cinquantaine de mètres, montrent une superposition de zones se succédant progressivement. La plus évoluée, au sommet du profil, représente un sol ferrallitique, caractérisé par un horizon B de plusieurs mètres d'épaisseur constitué par des produits de néoformation. Leur concentration se traduit par une texture argileuse et des couleurs vives, qui vont du jaune au rouge selon l'intensité de la déshydratation et de la fixation autour des particules colloïdales des hydroxydes de fer. Après saturation des argiles, le fer donne des précipitations locales (argiles bariolées ou marbrées), susceptibles de s'indurer en concrétions (pisolites). On doit le nom de latérite (du latin later, « brique »), primitivement choisi pour dénommer ce type de formation superficielle, à cette teinte rouge caractéristique.
C'est dans les altérites, et non dans les roches qu'elles masquent généralement, que se développent les actions des processus morphogéniques. La puissance de l'écran forestier limite singulièrement leur intervention. La prépondérance revient sans aucun doute à des processus insidieux. C'est le cas de la reptation (creeping), qui consiste en déplacements imperceptibles des particules superficielles, causés par des ruptures d'équilibre dues à des impulsions variées : impact des gouttes d'eau ou activité des animaux fouisseurs (vers, insectes, par exemple). Dans la même perspective, il faut citer l'évacuation des éléments solubles et des colloïdes par le ruissellement hypodermique, qui se produit en subsurface le long des versants et alimente les marigots par les sourcins. Le rôle du ruissellement superficiel paraît plus négligeable, qu'il s'exerce selon les multiples filets anastomosés et instables du rillwash, ou sous la forme des films d'eau du sheetwash[...]
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Écrit par
- Roger COQUE : professeur des Universités, professeur émérite à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
- François DURAND-DASTÈS : professeur à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
Classification
Médias
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