MEISS MILLARD (1904-1975)
Né à Cincinnati (Ohio) en 1904 et mort en 1975 à Princeton, Millard Meiss étudia l'architecture puis il entreprit des études d'histoire de l'art, d'abord à Harvard, ensuite à New York. Après avoir occupé différentes chaires, il obtint le poste prestigieux de professeur d'histoire de l'art à Princeton, où il enseigna à partir de 1958 jusqu'en 1974.
Universellement reconnu, partout cité, le nom de Millard Meiss reste le synonyme d'une discipline, l'histoire de l'art. Par ses recherches comme par ses travaux de plus grande vulgarisation, Millard Meiss a touché à tous les problèmes et à toutes les époques, avec deux moments de prédilection, la fin du Moyen Âge et la Renaissance. Deux principes l'ont toujours guidé dans son approche : l'adéquation entre la forme et le contenu ; la remise en situation des œuvres dans leur environnement, souvent au-delà des cadres habituels de réflexion légués par l'historiographie. Il travailla à dépasser les deux distinctions, peut-être utiles mais relatives, que sont l'opposition entre le fond et la forme et la séparation traditionnelle entre les écoles nationales.
Dans son premier travail d'envergure, Painting in Florence and Siena after the Black Death (Princeton, 1951 ; La Peinture à Florence et à Sienne après la Peste noire, trad. franç. Hazan, Paris, 1993), il examinait la fonction sociale de l'art à travers les constantes spécifiques de la peinture. Il reprenait notamment son étude sur la Madone d'Humilité (in The Art Bulletin, 18, 1936) et y démontrait l'interaction existant entre le type formel, celui de la Madone assise, et la signification intrinsèque d'une image interprétée, de plus en plus, comme le signe de la nouvelle dévotion, voire le symptôme d'une religion humanisée. L'histoire de l'art devenait l'histoire des motifs formels et débouchait sur la mise en valeur de situations typiques. Il revint sur cette question en 1961, dans « Highlands in the Lowlands » (in Gazette des beaux-arts, 37) et en 1966, dans « Les Offices des morts dans la miniature française autour de 1400 » (in Revue de l'art, 1, 1966). À chaque fois, il notait la récurrence des motifs qui finissait par former un thème et qui intéressait, dès lors, les rites majeurs d'une société à une époque donnée.
Il ne distinguait pas ces développements de leur vaste arrière-plan spatial. La fable et la forme, selon l'heureuse expression d'André Chastel, ne pouvaient être comprises que dans la géographie artistique, dans la trame des échanges se développant par tout l'Occident, plus particulièrement du sud au nord de l'Europe, de la Toscane aux pays flamands. C'est là, sur un territoire à l'étroit, saturé d'hommes et d'idées, qu'il repérait les premiers jalons d'une expansion artistique du sud vers le nord (« Fresques italiennes, cavallinesques et autres à Béziers », in Gazette des beaux-arts, 8, 1937) puis, en retour, du nord au sud (« Jan van Eyck and the Italian Renaissance », in Venezia e l'Europa, Venise, 1956). Il ne cessera d'approfondir cette notion dans la conférence sur « Le Maître du Bréviaire de Jean sans Peur et les Limbourg », The British Academy, Londres, 1970), dans les préfaces aux Très Riches Heures de Jean, duc de Berry (fac-similé, éd. Braziller, New York, 1969 ; The Cloisters, New York, 1974) et dans sa synthèse monumentale en cinq volumes, French Painting in the Time of Jean de Berry (New York, 1967-1974). Il y définissait une phase d'invention artistique très élevée où, à la faveur d'une rencontre entre le Sud et le Nord, se rejoignaient les thèmes et les formes de la peinture française et de la peinture flamande. Au cœur de cette géographie de l'art du xive siècle, il plaçait les hommes avec leur[...]
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Écrit par
- Daniel RUSSO : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, ancien membre de l'École française de Rome, professeur d'histoire de l'art médiéval à l'université de Bourgogne
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