DJILAS MILOVAN (1911-1995)
Surnommé « l'enfant terrible du communisme yougoslave », Milovan Djilas a traversé toutes les étapes de la Yougoslavie contemporaine : les royaumes du Monténégro puis de Yougoslavie, la Yougoslavie titiste et l'éclatement de la Yougoslavie.
Milovan Djilas est né en 1911 dans une famille aisée de sept enfants du village monténégrin de Podbisce. Son père, officier, finance ses études de lettres et de philosophie à l'université de Belgrade. À vingt et un ans, il entre au Parti communiste yougoslave (P.C.Y.) illégal depuis la dictature du roi Alexandre. Il devient ainsi un clandestin et finit par être arrêté en 1933. Il passe trois ans dans une prison de Vojvodine où il parfait sa culture marxiste-léniniste. À sa sortie, il rencontre Josip Broz, le futur Tito. En 1937, ce dernier est nommé secrétaire général du P.C.Y. sur ordre de Moscou. Djilas entre alors au comité central. Trois ans plus tard, à la veille de l'entrée en guerre de la Yougoslavie, il est membre du bureau politique.
Lors du début de la résistance des partisans dès 1941, il est chargé de la guérilla au Monténégro. Général de l'Armée de libération nationale yougoslave à trente ans, il fait partie de la dizaine de titistes historiques qui libèrent quasi seuls leur pays. Il fait d'ailleurs partie de la petite délégation de communistes yougoslaves qui se rend en U.R.S.S. dès mars 1944.
À la libération, il est nommé vice-Premier ministre. Il participe activement à la vie internationale de son pays : membre de la délégation yougoslave lors de la fondation du Kominform à Szklarska Poreba en Pologne en septembre 1947, il est à Moscou en février 1948 lorsque les Soviétiques tentent de faire rentrer dans le rang les « indisciplinés » yougoslaves. En juillet 1948, un mois après la rupture entre Tito et Staline, il est un des secrétaires du P.C.Y.
En 1953, alors que le P.C.Y. vient de se transformer en Ligue des communistes de Yougoslavie (L.C.Y.), il est nommé président de l'Assemblée nationale. Partisan d'une certaine dose de démocratisation, il voit d'un mauvais œil le rapprochement de Belgrade avec Moscou en 1954. Il perd alors ses postes au gouvernement et dans le parti. En 1955, il décide de quitter la Ligue, s'engageant dans la voie de la dissidence.
En 1957, il publie La Nouvelle Classe où il s'étonne que la direction yougoslave dénonce la nomenklatura soviétique alors qu'elle a créé sa propre nomenklatura. Il est aussitôt condamné à sept ans de prison pour « propagande hostile ». En janvier 1961, il bénéficie d'une amnistie. Il publie alors aux États-Unis Conversation avec Staline, en 1962. Il est de nouveau condamné à huit ans et demi de prison en avril 1962. En décembre 1966, Tito le gracie. Trois ans plus tard, il publie Une société imparfaite.
À partir des années 1970, il se consacre à l'histoire. Il publie Une guerre dans la guerre en 1977 et Tito, mon ami, mon ennemi en 1980. Ses articles de plus en plus véhéments contre le titisme sclérosé et le manque de démocratie lui valent 2 000 francs d'amende en 1979 et trois jours de prison en 1984. En 1988, alors que le système titiste se délite et que les prodromes de l'implosion yougoslave se précisent, il est réhabilité par la L.C.Y. Dès 1990-1991, il se prononce pour le fédéralisme yougoslave et contre l'éclatement du pays. Il dénonce aussi bien le Serbe Slobodan Milošević que le Croate Franjo Tudjman. Il était partisan d'un référendum dans l'ensemble de la fédération et non de référendums séparés dans chaque république pour l'indépendance. Toutefois, il accepte les conclusions de la commission Badinter sur les indépendances. Retiré à Belgrade, il était proche de l'Union des citoyens, parti d'opposition à Slobodan Milošević.
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Écrit par
- Christophe CHICLET
: docteur en histoire du
xx e siècle de l'Institut d'études politiques, Paris, journaliste, membre du comité de rédaction de la revueConfluences Méditerranée
Classification
Autres références
-
YOUGOSLAVIE
- Écrit par Christophe CHICLET , Encyclopædia Universalis , Catherine LUTARD et Robert PHILIPPOT
- 15 297 mots
- 14 médias
...pouvoir politique se renforça rapidement. Outre Tito, les trois hommes du bureau politique les plus influents, fidèles compagnons de route de Tito, étaient Milovan Djilas (responsable de la propagande et de la presse), Edvard Kardelj (ministre des Affaires étrangères, théoricien du système politique et social)...