JACKSON MILT (1923-1999)
Peu d'instrumentistes avaient adopté le vibraphone avant que Red Norvo et, surtout, Lionel Hampton ne lui confèrent, essentiellement dans le registre percussif et rythmique, ses lettres de noblesse. Entre le déclin de Lionel Hampton et l'essor de Gary Burton, Milt Jackson, le premier à maîtriser ses possibilités mélodiques et harmoniques, a régné sans partage sur le répertoire du vibraphone.
Milton Jackson, qui sera surnommé « Bags », naît à Detroit (Michigan) le 1er janvier 1923. L'enfant fréquente l'église avec son frère Alvin, qui deviendra un respectable bassiste ; c'est là qu'il entend ces gospels qui le marqueront à jamais. Ses études à la Michigan State University lui donnent une solide formation théorique et lui permettent d'aborder des instruments aussi divers que le piano, la contrebasse, le violon, la guitare et le xylophone.
Après la Seconde Guerre mondiale, il joue à Detroit dans un quartet qu'il a fondé, The Four Sharps. Dizzy Gillespie le découvre et l'entraîne à New York en 1945. De 1947 à 1948, Milt Jackson, qui a adopté le vibraphone, joue et enregistre avec les différentes formations qu'anime le grand trompettiste. C'est une période très riche où il côtoie l'élite du jazz américain : Charlie Parker, John Lewis, Coleman Hawkins, Lucky Thompson, Illinois Jacquet, Fats Navarro, Ray Brown, Kenny Clarke... Il enregistre avec Jimmy Heath, Tadd Dameron, Thelonious Monk, Howard McGhee, Nat King Cole, Sonny Rollins, Ben Webster, Henri Renaud, Sonny Stitt, et avec les orchestres de Machito, de Gil Fuller et de Woody Herman. De 1950 à 1952, il retourne dans la formation de Dizzy Gillespie, où on peut l'entendre assez embarrassé au piano mais éblouissant au vibraphone. Plusieurs thèmes splendides – Bags' Groove, The Cylinder, Ralph's New Blues et Bluesology – sont de son cru.
Le 24 août 1951, il fonde, avec le pianiste John Lewis, le batteur Kenny Clarke et le contrebassiste Ray Brown, le Milt Jackson Quartet, première ébauche du Modern Jazz Quartet avec qui il connaîtra la gloire sous l'enseigne de ses trois célèbres initiales. Le MJQ naît le 22 décembre 1952 : outre le vibraphoniste, il rassemble John Lewis, qui en prend rapidement la direction musicale, Percy Heath, qui remplace Ray Brown, et Kenny Clarke, qui cédera en 1955 les baguettes à Connie Kay. Dès lors – malgré des enregistrements personnels avec Horace Silver, Coleman Hawkins, Ray Charles, John Coltrane, Miles Davis, Oscar Peterson et les cours qu'il donne à la Lenox Jazz School (Massachusetts) –, la carrière de Milt Jackson se confondra avec celle du MJQ, jusqu'à sa dissolution, le 25 novembre 1974.
La célébrité de l'ensemble, qui ne cache pas son irrésistible attraction pour l'équilibre, l'écriture en contrepoint et le raffinement du monde classique, est foudroyante et universelle. Certains censeurs sourcilleux ne manquent pas d'en prendre ombrage et de fustiger quelques expériences, parfois peu convaincantes il est vrai, avec quatuors à cordes (1957) ou orchestres symphoniques (1961). Le MJQ n'en reste pas moins l'une des formations majeures d'un jazz de chambre particulièrement inspiré et poétique. Sonny Rollins, Jimmy Giuffre, Gunther Schuller et Paul Desmond ne rougissent pas d'en être les partenaires. Après 1974, le MJQ ne connaîtra plus que d'éphémères résurrections à l'occasion de tournées au Japon (1981) et en Europe (1982) ou de séances d'enregistrement (1984). Milt Jackson poursuivra sa route avec de nouveaux et prestigieux partenaires : Jimmy Heath, Ron Carter, Herbie Hancock, Billy Cobham, Freddie Hubbard... Le talent attire le talent. Il meurt à New York le 9 octobre 1999.
Milt Jackson est sans doute l'une des plus belles incarnations de la concision et de la légèreté dans l'histoire du jazz. Sa frappe,[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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