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BUCKNER MILTON (1915-1977)

Sa verve s'exprimait en musique comme dans tout le reste de sa vie. Pianiste et organiste, Milton « Milt » Buckner voulait être à la fois un homme de spectacle et un musicien ; il souhaitait que sa musique plaise, par sa force rythmique, qu'elle détende et amuse ; mais il ne fit jamais de concessions qui l'auraient entraîné dans le domaine de la médiocrité. En fait, sous cette façade joviale, derrière cette musique apparemment simple, se cachait un homme qui, pour n'avoir pas été vraiment un défricheur, joua malgré tout un rôle insigne dans l'histoire du jazz. En trois occasions au moins.

Il fut longtemps associé à Lionel Hampton à l'époque où celui-ci s'entourait d'un grand orchestre et faisait couler le swing à flots. Milt Buckner y déploya ses talents d'arrangeur, s'efforçant de toujours trouver le tissu orchestral le plus propre à mettre Hampton en valeur. Pour l'orchestre, pour son chef, il composa l'un des airs les plus célèbres du répertoire : Hamp's Boogie Woogie.

Dans la formation de Lionel Hampton, il commença par jouer du piano, se fondant dans les ensembles, s'intégrant à la section rythmique et contribuant à lui donner ce punch tant apprécié. Vers 1950, alors que Milt Buckner était absent, Hampton avait engagé un organiste, et le son de cet instrument, peu demandé alors, lui avait plu. Lorsque l'organiste le quitta, Hampton demanda à Buckner de continuer à servir l'instrument Hammond. Et c'est ainsi que celui-ci devint l'un des premiers (après Fats Waller et Count Basie, avec Wild Bill Davis et Bill Doggett, mais avant Jimmy Smith) musiciens de jazz à populariser l'orgue électronique.

Disciple de Fats Waller à l'orgue, Milt Buckner fut, au piano, le créateur d'un style vraiment original, procédant par succession d'accords plaqués parallèlement des deux mains sur le clavier. La légende veut que cette manière ait été due à la petite taille de ses mains ; il n'y a là rien d'improbable. Mais ce langage permettait à Milt Buckner d'utiliser le piano comme un orchestre, « arrangeant » ses phrases comme des sections de saxophones ou de trompettes et les soulignant de l'effet de percussion créé par les accords martelés. Ce que l'on a appelé les block chords (paquets d'accords) ou le jeu en locked hands (mains attachées) fut ensuite repris par d'autres musiciens (George Shearing, Dave Brubeck) et marqua bien des pianistes de l'école funky.

Milton Buckner naît à Saint Louis, dans le Missouri, le 10 juillet 1915 ; il étudie la musique avec l'un de ses oncles avant de passer deux ans à l'Institute of Arts de Detroit. Sa véritable carrière commence avec un orchestre fameux dans les années 1930, les McKinney's Cotton Pickers, où il fait des arrangements et joue à l'occasion du piano. Il travaille ensuite quelque temps chez le chanteur Cab Calloway puis entre dans la formation de Lionel Hampton en 1941 ; il la quitte en 1948 pour fonder son propre groupe mais la rejoint en 1950 et cette fois y joue de l'orgue. À partir de 1952, il dirigera des petits ensembles, retrouvant de temps à autres Lionel Hampton et se produisant souvent, dans ses dernières années, avec le batteur Jo Jones.

Musicien swing au plein sens du terme, arrangeur talentueux, pianiste original tout en restant capable de restituer le blues traditionnel ou de parodier Fats Waller, organiste pionnier déployant sur cet instrument une extrême sensibilité qui en faisait un remarquable interprète de ballades, Milt Buckner a traversé le jazz d'un grand éclat de rire.

— Denis Constant MARTIN

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