MILWAUKEE
Située à l’embouchure de la rivière Milwaukee sur la rive occidentale du lac Michigan, Milwaukee, avec ses 595 000 habitants en 2016 (1,5 million dans l’agglomération) est la plus grande ville de l’État du Wisconsin. Capitale américaine de la bière, en raison de l’histoire de son peuplement d’origine germanique, elle représente le jalon nord d’une grande conurbation urbaine qui s’étire sur tout le sud-ouest du lac Michigan depuis Gary (Indiana), en passant par Chicago, qui n’est distante que de 150 kilomètres. Longtemps grande ville industrielle, elle opère une reconversion, moins difficile que pour ses consœurs des Grands Lacs, Detroit ou Cleveland.
Lors des premières reconnaissances par des Français à la fin du xviie siècle, le site de Milwaukee, à la convergence de trois rivières sur les bords du lac, est occupé par les Amérindiens algonquins, auxquels Milwaukee doit son nom, Millioke signifiant « bonne terre ». Un poste de commerce de fourrure avec les Indiens s’y installe en 1795, mais le premier véritable développement urbain a lieu au milieu des années 1820, après l’arrivée du Canadien français Salomon Juneau, qui fonde Juneau-ville entre la rivière Milwaukee et le lac. Il faut dire que le site est le plus favorable à l’activité portuaire sur toute la côte ouest du lac Michigan. Juneau-ville est ainsi rapidement concurrencée par Kilbourntown et Walker’s Point, fondées respectivement par Byron Kilbourn et George H. Walker, de l’autre côté de la rivière. D’abord rivales – un affrontement, la « guerre des ponts », a même lieu en 1845 –, les trois municipalités se regroupent en 1846 pour former la ville de Milwaukee.
Durant toute la seconde moitié du xixe siècle, et alors que la cité ne comptait que 20 000 habitants en 1850, elle est investie par trois vagues successives de population allemande, la première arrivant à partir de 1848, date des révolutions européennes qui entraînent de nombreux socialistes (les forty-eigthers) sur la route de l’exil, notamment vers les États-Unis. Ils sont accompagnés de migrants venant de toute l’Europe, en particulier des Irlandais et des Polonais, séduits par les opportunités qu'offre la ville : Milwaukee est en effet le port d’exportation d’une riche région agricole et devient, en 1860, le premier port exportateur de blé à l’échelle mondiale. La transformation des produits agricoles (brasserie dès 1840, minoterie, tannerie) devient l’activité principale de la ville dans les années 1860-1870, entraînant rapidement un développement des activités mécaniques (machines agricoles, machines-outils puis automobile). Toutefois, l’arrivée du chemin de fer à Chicago met un point final à la suprématie portuaire de Milwaukee sur le lac Michigan.
La ville, qui voit rapidement se dessiner une rupture sociale entre les quartiers nord résidentiels (habités principalement par la population d’origine allemande) et les quartiers sud industriels (où s’installent les immigrants d’Europe de l’Est), annexe les villages limitrophes et compte 285 000 habitants en 1900, dont 34 p. 100 d’origine allemande. La langue germanique domine alors dans les journaux et l’éducation, tandis que la tradition allemande marque fortement la culture locale. L’empreinte socialiste permet également à la ville d’occuper une place particulière parmi les villes américaines. Elle est en effet la seule à avoir élu des maires socialistes, qui mettent en place durant la première moitié du xxe siècle des politiques progressistes, notamment la construction des premiers logements sociaux du pays. Ces réformes accompagnent le changement de population des années 1930, à la fois avec la grande migration des populations noires venues des États du Sud, qui s’installent à Bronzeville, haut lieu du jazz, et l’émergence d’une communauté hispanique venant gonfler les[...]
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Écrit par
- Laurent VERMEERSCH : docteur en géographie, université de Paris-IV-Sorbonne
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Média