MĪMĀṂSĀ
Le plus technique et le plus original à la fois des six darśanas (« points de vue ») qui constituent ensemble la tradition philosophique de l'Inde brahmanique. Prenant directement racine dans les spéculations védiques, la Mīmāṃsā apparaît comme un « méta-ritualisme » dans lequel la réflexion s'exerce d'abord sur le mécanisme des rites pour s'élever ensuite à l'intelligence de la structure de l'univers. La question fondamentale est de savoir comment il se fait qu'un simple geste humain (offrir un sacrifice) puisse porter du fruit (c'est-à-dire avoir des conséquences) dans l'au-delà. Les « Écritures » (le Veda) affirment que celui qui célèbre le culte gagnera le ciel : il faut donc qu'une force invisible, une énergie imperceptible, soit à l'œuvre dans l'acte rituel et qu'elle en transcende la trivialité.
À cette force mystérieuse la Mīmāṃsā, en accord avec les textes spéculatifs du Veda, donne le nom de brahman. Et ce sera le rôle du Vedānta (appelé pour cela Uttara-Mīmāṃsā, la « Mīmāṃsā ultime ») d'élucider la nature exacte du brahman et d'élaborer la métaphysique qui découle de cet examen. On voit par là que la Mīmāmsā occupe une place centrale dans l'histoire de la philosophie indienne, puisqu'elle apparaît comme le premier état du Vedānta, en qui toute cette histoire tend à se résorber.
Le texte le plus ancien de l'école est, comme il se doit, une chaîne (sūtra) de propositions aphoristiques qui donne, en quelque sorte, le sommaire de la doctrine. Ces Mīmāṃsā Sūtra, qui sont attribués au « prophète » (rishi) Jaimini et dont la rédaction, impossible à dater avec précision, peut se situer dans les premiers siècles de l'ère chrétienne (mais le fonds est, à coup sûr, plus ancien), sont divisés en douze chapitres (adhyāya) d'importance inégale. On ne les comprendrait guère si l'on ne disposait d'importants commentaires dont le plus ancien (et le plus fidèle) est celui de Shabara (śabara-svāmin, peut-être du ve s.), à partir duquel s'élaborent ensuite les œuvres autonomes de Prabhākara (viie s.) et de Kumārila (son contemporain). Après le viiie siècle, où s'affirme le succès sans partage du Vedānta, la Mīmāṃsā continue d'être étudiée dans les cercles brahmaniques comme un modèle d'argumentation juridique et comme une doctrine qui justifie les règles de conduite des gens de bonne caste.
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Écrit par
- Jean VARENNE : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III
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