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MIMÉSIS, Erich Auerbach Fiche de lecture

Vaste enquête consacrée, comme son sous-titre l'indique, à « la représentation de la réalité dans la littérature occidentale », Mimésis –  « imitation » en grec, concept clé de la Poétique d'Aristote – fut écrit dans des conditions difficiles, pendant la Seconde Guerre mondiale, à Istanbul, où Erich Auerbarch (1892-1957), d'origine juive, chassé d'Allemagne par le nazisme, enseignait la philologie romane. Publié en allemand à Berne en 1946, puis en 1953 en anglais aux États-Unis (où son auteur s'exile en 1948), l'ouvrage se présente comme une suite de monographies – de l'Odyssée à La Promenade au phare –, appuyées sur des commentaires de textes cités presque toujours dans la langue originale (latin, français et ancien français, italien, espagnol, anglais, allemand) – et ordonnées chronologiquement.

La cicatrice d'Ulysse

Le « réalisme » est spontanément associé à un courant littéraire, apparu en France autour de 1850, et qui correspond à une sorte d'âge d'or du roman. Or Auerbach montre qu'un tel souci est présent dès l'origine de la littérature occidentale, et même dans sa double origine : Homère et la Bible – selon deux « types fondamentaux », deux approches stylistiques très différentes, qu'il détaille à partir de deux exemples. Le récit du retour d'Ulysse à Ithaque, dans l'Odyssée, ne laisse rien dans l'ombre, tant l'enchaînement des actions est sans mystère, sans arrière-plan ; dans la Genèse, le sacrifice d'Abraham suggère au contraire, par l'emploi d'un « style abrupt », elliptique, « l'inexprimé », « la complexité », il « appelle l'interprétation ». Le premier tend à la « légende », tout en étant plus descriptif et concret ; le second, plus énigmatique, tend à « l'histoire », à l'expression d'une « vérité » liée à l'intervention d'un Dieu invisible.

Dans sa simplicité, le style homérique juxtapose moments héroïques et scènes domestiques, parce que le déroulement du récit appelle naturellement leur alternance. La manière dont le style biblique ignore l'opposition du sublime et du trivial a un motif plus profond : humain et divin sont indissociables, Dieu agit au cœur du quotidien – jusqu'à, selon le Nouveau Testament, se faire homme. C'est pourquoi, au Moyen Âge, les Mystères, la littérature contemplative, la poésie franciscaine, seront étrangers à la séparation instaurée par l'Antiquité latine (et maintenue strictement au contraire par les esthétiques qui s'en réclameront, dont, au xviie siècle, celle du classicisme français) entre grand style (réservé aux genres nobles) et style humble (réservé aux petits genres, à la conversation) : « Dans le monde chrétien, les deux styles sont d'emblée confondus, notamment dans l'Incarnation et la Passion du Christ, où sublimitas et humilitas, portées toutes deux à leur comble, se réalisent toutes deux et s'unissent l'une à l'autre. »

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