ROTELLA MIMMO (1918-2006)
L'artiste italien Mimmo Rotella fut l'un des premiers à emprunter son vocabulaire formel aux matériaux issus du paysage urbain, et en particulier aux affiches publicitaires, qu'il récupère et détourne en les lacérant. Pierre Restany évoque « ce puissant instinct analytique qui le pousse à souligner le moindre effet-choc dans le champ du quotidien urbain et qui fait de lui le grand donneur à voir de la peau des murs de nos villes ».
Né le 7 octobre 1918 à Catanzaro, en Calabre, Mimmo Rotella étudie l'art à Naples. En 1945, il réalise un ensemble de peintures abstraites. Dans le même temps, il compose et récite des poèmes phonétiques. Cette pratique, qu'il qualifie de « langage épistaltique », restera l'un des temps forts de son activité. « La voix, dit-il, ne doit pas se limiter à la monotonie du langage articulé. Elle est une source inépuisable d'instruments musicaux naturels. »
C'est à Rome, en 1953, que Rotella arrache ses premières affiches. Affiches politiques, affiches publicitaires, affiches de cinéma vont servir de base à une technique qui fonctionne en deux temps : un arrachage sur le lieu d'origine, suivi d'un report sur toile, puis d'une deuxième lacération. Alliant étroitement destruction, détournement et mystification d'une certaine réalité, l'artiste reconstitue une image autre, dont il organise la composition selon une formulation abstraite, dictée par les effets de matière et de couleur. Ces Affiches lacérées seront exposées régulièrement à la Galleria del Naviglio de Milan. À partir de l958, Rotella abandonne l'apparence abstraite de ses œuvres, pour porter un intérêt croissant à l'iconographie de son matériau. En laissant apparaître progressivement des détails figuratifs, il affirme la valeur de l'image en tant qu'élément objectif de la réalité contemporaine.
À la même époque, Rotella fréquente à Paris le groupe des Nouveaux Réalistes que Pierre Restany vient de fonder, et en particulier les affichistes Raymond Hains, Jacques de la Villeglé et François Dufrêne, dont les investigations sont parallèles aux siennes. En l962, lors d'une exposition à la Galerie J. à Paris, l'artiste présente une série d'affiches cinématographiques lacérées, Cinecittà Ville ouverte, parmi lesquelles Marilyn, qui devient l'emblème de sa production. L'année suivante, il participe, dans la même galerie, à une exposition qui réunit Gianni Bertini, Pol Bury et Alain Jacquet autour du Mec Art (abréviation de mechanical art, ou peinture mécanique).
En 1964, une salle est consacrée à l'artiste à la biennale de Venise. Dès cette époque, il participe à un grand nombre de manifestations internationales, qu'il s'agisse d'expositions de groupe ou d'expositions personnelles. Rotella, dont la curiosité intellectuelle et l'imaginaire foisonnant semblent sans limites, va explorer, exploiter nombre de possibilités offertes par tout ce qui touche au monde de l'imprimerie et de l'image. Les Photo-reportages, dont Vatican IV, résultent d'emprunts de photographies aux magazines, dont il projette les négatifs sur des toiles émulsionnées. La série des Artypos voit le marouflage sur toile des macules surchargées de couleurs, qu'utilisent les imprimeurs avant tirage.
Dans les années 1980, alors qu'il a quitté Paris pour Milan, Rotella s'oriente vers des systèmes plus constructifs et picturaux. Il entame une série d'opérations graphiques sur des pages de revue comportant frottage puis effaçage. Il s'essaye à la monochromie, avec les Blanks, utilisant les affichages aveugles, blancs ou bleus, que l'on trouve entre deux campagnes publicitaires. C'est ensuite la peinture qui fait son apparition sur des affiches cinématographiques. Avec les Surpeintures, en l987,[...]
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Écrit par
- Maïten BOUISSET : critique d'art
Classification
Autres références
-
NOUVEAU RÉALISME
- Écrit par Catherine VASSEUR
- 2 608 mots
...singularité collective ». Ils seront bientôt rejoints par César (dont les Compressions de voitures avaient fait scandale au précédent Salon de Mai) et par Mimmo Rotella (le quatrième décolleur d'affiches de la bande) – tous deux absents de la réunion –, puis, en 1961, par Niki de Saint-Phalle (qui réalise...