MINARET
Dérivé de l'arabe manara, le terme minaret s'appliqua aux tours à feu avant de désigner toutes les tours islamiques et plus particulièrement celles qui, près des mosquées, servent à l'appel à la prière (ma‘dhana) ; au début de l'islam, cet appel se faisait d'une terrasse voisine. Dans chaque région, le type du minaret dérive d'une construction locale à silhouette de tour : les tours carrées paléochrétiennes en Syrie, le phare d'Alexandrie pour la côte sud-méditerranéenne, les tours de vigie circulaires en Asie centrale. La forme et la hauteur des minarets, leur décor, leur place même varient selon les régions et les époques. Trois types de minarets caractérisent les trois grandes aires du monde musulman. Le minaret carré, parti de Syrie, domine d'abord l'Orient méditerranéen ; il gagne l'Occident — nous le trouvons à Cordoue et à la Giralda de Séville — et se multiplie au Maghreb où ses proportions sont de un (en largeur) pour quatre (en hauteur), comme à la Kutubiyya de Marrakech. Ces minarets carrés, dont il n'existe pas deux semblables, comportent plusieurs étages de salles superposées. Celles-ci sont éclairées par des fenêtres ornées extérieurement d'un décor géométrique en relief qui crée, à l'intérieur, des jeux d'ombre et de lumière. Le minaret à fût cylindrique connaît, par contre, une grande expansion dans l'Orient musulman dès le xie siècle, avec les conquêtes seldjoukides. L'imagination et le talent des architectes s'expriment par des variantes à la base, au pied du fût, à la galerie et au sommet, mais il n'y a aucun logement ni étage dans le fût où s'enroule, autour d'un noyau central, un escalier en colimaçon menant jusqu'au sommet. Le minaret oriental est construit en brique, parfois vernissée, qui permettent de composer de larges registres décoratifs (minaret de Kalyan, à Bukhara, xiie s.). Né en Iran et au Turkestan, le fût cylindrique gagne l'Inde : on trouve ainsi à Delhi le prestigieux Qutb Minar (xiiie s.). Vers l'ouest, il y en aura en Djézireh au xiie siècle. C'est surtout en Anatolie que le type cylindrique connaîtra une fortune remarquable, de Konyā (Ince Minareli, xiiie s.) à Istanbul (Sultan Ahmet au xviiie s.). Le minaret à fût polygonal, à l'image de la tour de Ghazna, comme ceux de la madrasa timouride de Bibi Hanum à Samarqand (début xve s.), constitue une variante du minaret cylindrique. Le Caire, avec ses mosquées de toutes les époques, offre une grande variété de formes. Le plus ancien minaret, celui de la mosquée d'Ibn Tulun (fin ixe s.), imite la Malwīya de Samarra : sur une base carrée se dresse une tour tronconique autour de laquelle s'enroule une rampe hélicoïdale extérieure permettant l'accès au sommet. Le véritable ancêtre des minarets du Caire est le minaret sud de la mosquée d'al-Hakim (xe s.) ; sa base, en tronc de pyramide, est inspirée par le phare d'Alexandrie qui déjà, au viiie siècle, avait servi de modèle au minaret de Sidi-Okba à Kairouan ; celui-ci représente exactement la moitié de la masse du célèbre Pharos. Les éléments typiques du minaret mamelouk sont : une base carrée ayant pour hauteur le triple du côté, puis un fût octogonal, parfois continué par un élément cylindrique, enfin une galerie surmontée d'un toit pointu ou en forme de bobéchon bulbeux (mausolée de Qaytbay). La place du minaret n'est pas prescrite : il fut d'abord élevé du côté opposé à la salle de prière, dans l'axe du mihrab, sur le front extérieur de la cour ou dans un angle. Le nombre de minarets n'est pas fixé non plus : il y en eut deux à l'époque seldjoukide, flanquant le portail d'entrée, ou bien en superstructure au-dessous de la porte, ou encore dans chacun des angles de la façade. À l'époque ottomane on en compte souvent quatre et même[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Nikita ELISSÉEFF : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Lyon
Classification
Médias
Autres références
-
ANDALOUSIE
- Écrit par Michel DRAIN , Marcel DURLIAT et Philippe WOLFF
- 10 381 mots
- 17 médias
...rivaliser avec celle de Cordoue. Elle a malheureusement été à peu près entièrement détruite après la Reconquête pour faire place à la cathédrale actuelle. La construction du minaret – la célèbre Giralda – ne fut ordonnée qu'en 1184. Extérieurement, avec ses panneaux d'entrelacs, elle constitue un bel exemple... -
ÉVOLUTION DE LA VILLE ISLAMIQUE
- Écrit par Janine SOURDEL
- 3 970 mots
- 1 média
...justifier la présence, à l'extérieur, d'une ou de plusieurs de ces tours, rondes ou quadrangulaires selon les régions et les époques, que l'on appelle desminarets. Enfin, l'espace spécial réservé au souverain, ou maksûra, en arriva aussi à tenir dans la structure du monument une place dominante. -
GRANDE MOSQUÉE DE KAIROUAN (Tunisie)
- Écrit par Nikita ELISSÉEFF et Encyclopædia Universalis
- 639 mots
- 2 médias
-
ISLAM (La civilisation islamique) - L'art et l'architecture
- Écrit par Marianne BARRUCAND
- 16 014 mots
- 19 médias
...grandes mosquées abbassides se situent dans la tradition omeyyade, mais elles s'agrandissent et comprennent des éléments nouveaux dont la ziyāda, le minaret et le plan en T. La ziyāda est un vaste enclos qui crée comme une zone de protection autour de l'édifice religieux. La date de l'apparition des...