MINNESANG
Printemps du minnesang
Il est d'usage d'englober sous le terme de « printemps du minnesang » tous les minnesänger antérieurs à Walther. Mais il y a lieu d'établir, à l'intérieur de ce groupe d'une vingtaine de poètes, des distinctions dont la plus importante concerne les textes les plus anciens. Il s'agit de strophes en général isolées qui ne répondent ni par le fond ni par la forme à la définition qui a été donnée de la chanson courtoise. Celles du représentant le plus illustre de ce groupe, le sire de Kürenberg, présentent le schéma métrique qui sera celui de la Chanson des Nibelungen. Il n'y est jamais question de vasselage d'amour : quand il ne s'agit pas d'amour partagé, c'est la dame au contraire qui fait les premières avances, qui exhale sa plainte amoureuse. On a dit (T. Frings) que ces strophes se rattachaient à ces « chansons de femmes » qui, dans tous les pays, seraient à l'origine de la poésie lyrique. Cependant, une certaine stylisation, qui dénote des influences venues de l'extérieur, y est déjà apparente : les personnages en présence sont le chevalier et la dame ; on y trouve déjà les motifs des losengiers et de l'amour secret.
Ce premier lyrisme s'est développé dans la région danubienne, fort éloignée des pays de langue romane. Dans les territoires situés plus à l'ouest, l'influence franco-provençale se fait pleinement sentir à partir de 1170 ; ce n'est qu'à partir de 1230 environ que son action s'estompera.
La nouvelle étape est marquée par les noms de quelques grands seigneurs et de ministériaux originaires de régions proches du domaine roman : le Rhénan Friedrich von Hausen, mort à la croisade de 1190 ; le Suisse Rudolf von Fenis, comte de Neuchâtel, chez qui l'influence des troubadours est particulièrement sensible ; Hartmann von Aue, qui appartient au domaine alémanique ; le Limbourgeois Heinrich von Veldeke. Mais bientôt les autres régions se mettent, elles aussi, à l'école des trouvères et des troubadours. Heinrich von Morungen, dont le langage riche en images donne vie et couleur aux thèmes du minnesang, était originaire de Thuringe ; c'est un Bavarois, Albrecht von Johansdorf, qui a trouvé les formules les plus frappantes pour magnifier la vertu ennoblissante de l'amour, et les plus belles aubes ont été composées par Wolfram von Eschenbach (Franconie), l'auteur du Parzival.
Mais le minnesänger classique est sans conteste ce Reinmar que Gottfried, dans son Tristan, appelle le « rossignol de Haguenau » (sans doute s'agit-il du Haguenau alsacien). Dans une langue toute en demi-teintes, il développe inlassablement, avec de subtiles variations, le thème d'un service d'amour dont nulle récompense ne vient adoucir la rigueur ; aussi son chant n'est-il souvent qu'une longue plainte.
Reinmar a passé la plus grande partie de sa vie à Vienne, au service des ducs de Babenberg, où il a eu comme élève celui qui allait être le plus grand des minnesänger, Walther von der Vogelweide.
Walther von der Vogelweide
Né sans doute en Autriche, Walther s'en tient d'abord à la manière de Reinmar. Mais bientôt une brouille survient entre les deux hommes (1198) et pendant une vingtaine d'années, Walther mène une vie errante, jusqu'au moment où l'empereur Frédéric II lui accorde enfin le fief si longtemps convoité. Pour dures qu'elles aient été pour l'homme, ces années d'errance ont du moins été profitables au poète. Sous l'effet d'influences variées, celle de Heinrich von Morungen, celle de la poésie des Goliards, Walther se dégage des contraintes de la pure doctrine reinmarienne : il se révolte contre l'inflexible rigueur de sa dame, il exige désormais un amour partagé. Cet amour, il semble l'avoir trouvé d'abord auprès[...]
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Écrit par
- Georges ZINK : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université de Paris-Sorbonne
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