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BARCELÓ MIQUEL (1957- )

Le peintre Miquel Barceló est né à Felanitx, dans l'île de Majorque, en 1957. Cet artiste a présenté un premier bilan de ses travaux dans la capitale catalane (Barceló, Barcelona) en 1987, préludant à un tournant dans son œuvre : l'année suivante, il découvrait l'Afrique.

Comme Cervantès, Barceló est voyageur, polyglotte, farceur, influencé par l'Arabie, obsédé par le corps et ses meurtrissures, épique et intimiste, bref, il joue très sérieusement avec les formes de la mort. Son œuvre, déjà vaste, métissée d'emprunts tacites et d'empreintes tactiles, peut se résumer en deux toiles : Gran Animal Europeu (1991) et Memorial Soup (1987). La première œuvre est un buffle africain ou un taureau sévillan dont la peau éventrée laisse surgir un buisson furieux de couleurs mixtes, la seconde une peinture aux silhouettes quasi rupestres, qui laisse affleurer le grain de la matière, l'instabilité des éléments, une luminosité incertaine.

En fait, ces deux pôles de son œuvre, formes de la culture et culture des formes organiques (Chou, citrons coupés, 1996), sont déjà présents dans ses années d'apprentissage. Impressionné par l'art brut mais peu décidé à verser dans l'informel, il expose dès 1975 ses dessins de mollusques et d'insectes à Majorque. Malgré une tentative, qui rappelle celle de Piero Manzoni, d'enfermer dans deux cent vingt-cinq boîtes des matières en décomposition, Barceló n'est pas un artiste à concepts prémédités. En 1979, il interroge la matière même de la peinture avec des sujets monochromes. La toile étant posée sur le sol, il joue de son dessèchement, des crevasses qui se forment, des caillots et des engelures de surface, prélude technique (mais déjà intuition d'un sol « saharien ») pour la réapparition de l'image qui s'incarnera dans la série des Bibliothèques, Grande Galerie du Louvre, Ateliers, que Barceló appelle son époque « musée ».

Les galeristes Lucio Amelio à Naples, Yvon Lambert à Paris et Bruno Bischofberger à Zurich présentent Barceló ; Jean-Louis Froment montre l'ensemble de son travail au capc, musée d'Art contemporain de Bordeaux en 1985. L'artiste vit entre Farrutx, à Majorque, Paris et New York. C'est dans cette dernière ville, summum de l'urbanisme et de l'anonymat, que la peinture de Barceló prend un brusque virage. Happée par les blancs, les espaces vierges, trouée et calcinée à froid par l'absence, l'image disparaît une nouvelle fois. Mirage ? Le fait est que cette peinture, objectivement, « rêve de désert ».

Barceló entreprend son premier voyage au Mali en 1987 et en revient convaincu que « l'Afrique ressemble à ma peinture ». Et la figure réapparaît, furtive, dans ses toiles, plus manifeste dans ses Carnets où, comme Delacroix, il mêle le croquis (pirogues, femme accouchant, marché...) et le commentaire écrit. C'est avec une petite toile, contrastant avec sa prédilection pour les grands formats, que l'on peut dater l'inscription définitive de Barceló dans le décor sahélien : Petit Mirage, 1989. La forme est de retour, certes, mais refusant l'alternance chronologique du plein et du vide que l'artiste avait subie en Occident, elle sera désormais toujours accompagnée de son évanouissement virtuel. La lumière extérieure, l'éblouissement et la cécité, l'illusion visuelle et la sensation tactile sont alors des thèmes qui se rejoignent dans une œuvre comme les Coprolithes, I et II (1988), aussi bien que dans Le Livre des aveugles (1992, Item éditeur) réalisé avec le photographe et écrivain aveugle Evgen Bavcar. Après un long périple sur le fleuve Niger (1991-1992), au terme duquel il s'est construit un nouvel atelier en plein pays dogon, Barceló se serait-il coupé de ses racines hispaniques ? Depuis que l'Espagne s'est amputée[...]

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