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KRLEŽA MIROSLAV (1893-1981)

Créateur exubérant

L'œuvre de Krleža est imposante : une centaine d'ouvrages, recueillis dans trente-huit volumes. Parmi ses œuvres lyriques se distinguent, par la profondeur de leur inspiration et leur originale beauté, les Ballades de Petrica Kerempuh (Balade Petrice Kerempuha, 1936), écrites en dialecte kajkavien. On l'a jugé comme le chef-d'œuvre de la poésie croate après La Mort de Smailaga Čengić d'Ivan Mažuranić, comme la plus authentique vision de l'histoire croate. Sa valeur est toute dans l'harmonie entre la matière poétique et son expression, la littérature écrite et la littérature orale, la légende et l'histoire, le Moyen Âge et les temps modernes ; la misère – qui n'est pas seulement celle des paysans croates des environs de Zagreb – y éclate en images grotesques.

Les pièces de Krleža ont fourni pendant plusieurs décennies les répertoires des théâtres en Yougoslavie et ailleurs. Galicija, mise au répertoire en 1920, fut interdite une heure avant sa représentation. Golgota (1922) fut sa première pièce jouée au Théâtre national croate de Zagreb ; citons ensuite Le Chien-Loup (Vučjak, 1923), Michel-Angelo, Adam i Eva (1925), À l'agonie (U agoniji, 1928), Les Messieurs Glembay (Gospoda Glembajevi, 1929), Leda (1939), Aretej (1959) où Krleža exprime son pessimisme à l'égard de l'époque atomique, en soulignant la prédominance de l'élément animal sur l'esprit humain dans l'homme et dans la civilisation modernes.

Le cycle des Glembay domine cet ensemble : il s'agit d'une vaste fresque décrivant la décadence morale et matérielle d'une famille aristocratique et bourgeoise de Zagreb. Par leur thème, les Glembay se rapprochent des Buddenbrooks de T. Mann, des frères Artamonov de M. Gorki, des créations d'Ibsen et de Strindberg. Pour les lecteurs yougoslaves, les Glembay représentent un complexe socio-psychologique, riche et bien connu, comme les Karamazov pour les Russes ou les Rougon-Macquart pour les Français.

Parmi les ouvrages romanesques, il faut citer Le Retour de Philippe Latinovicz (Povratak Filipa Latinovicza, 1932), Le Banquet en Blithuanie (Banket u Blitvi, 1938), Je ne joue plus (Na rubu pameti, 1938) et Les Drapeaux (Zastave, 1962). Dans le premier roman, l'auteur traite le problème du déracinement et de l'individualisme dans une civilisation profondément décadente. Le Banquet en Blithuanie développe d'une façon satirique un sujet anti-poétique : la politique, le nationalisme qui mènent les hommes à l'abattoir. Je ne joue plus est également un roman satirique sur la sottise humaine qui prend des dimensions fantastiques. Les Drapeaux évoquent l'époque qui a précédé la Première Guerre mondiale en Croatie et en Serbie. Dans ses essais sur la littérature et les arts, Krleža s'affirme comme un des esprits encyclopédiques de notre époque.

Chacun de ses ouvrages représentait un événement littéraire et social. On a constaté sa brutalité, la crudité de son style, la cruauté de son observation qui découvre la misère de l'homme et l'horreur des rapports humains et sociaux. L'actualité du contenu et le dynamisme de la forme sont les caractéristiques principales de son œuvre.

— Dragan NEDELJKOVIC

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur associé à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

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  • CROATIE

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    • 6 médias
    L'œuvre monumentale de Miroslav Krleža (1893-1981) reste le point de référence incontournable pour la littérature croate du xxe siècle. Homme de gauche resté à Zagreb, il se refuse à publier sous l'Occupation. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la littérature croate de la Résistance se distingue....