MISSIONS
Dans le vocabulaire religieux qui était courant au xixe-xxe siècle, le terme « mission » désigne essentiellement l'envoi, par une communauté, de représentants ou de délégués, qui sont mandatés pour propager sa foi et implanter ses institutions. Dans ce sens, il n'y a mission que vers l'extérieur, auprès de gens qui ignorent le message qu'on désire leur transmettre. C'est là le sens le plus courant et aussi le plus ancien, car l' apôtre de la première génération chrétienne est, selon l'étymologie grecque du mot « apôtre », un envoyé. Il est accrédité pour aller à ceux auxquels il est envoyé, juifs ou païens, pour leur porter la Bonne Nouvelle du messianisme réalisé et du salut accompli.
Par extension, ou plutôt par restriction, affaiblissement du sens, on parle de mission auprès des fidèles eux-mêmes (et pas seulement des infidèles), dans le cadre des paroisses constituées (et non hors des limites de la chrétienté) : la mission n'est alors qu'un temps de prédication plus intense ; et le missionnaire de passage ressemble à un propagandiste spécialisé dont on attend qu'il applique un traitement de choc, qu'il provoque un réveil, des conversions, des « retours ».
Toujours par extension, mais cette fois avec l'intention de réinsuffler quelque chose du sens originel dans des contextes sociaux qui rappellent pour une part ceux de l'origine, on parle de mission à propos des pays de vieille tradition religieuse ; le titre célèbre France, pays de mission ? illustre cette acception. Il peut y avoir mission, même en terre de Chrétienté, s'il est vrai que l'étiquette chrétienne fut souvent une référence globale, confuse et trompeuse ; s'il est vrai que la religion sociologique a souvent masqué l'absence d'engagement personnel ; s'il est vrai, principalement à l'ère industrielle, que de larges couches de population évoluent en milieu néo-païen. On conçoit ainsi qu'il y ait des missions intérieures au même titre (ou peu s'en faut) que des missions étrangères.
Cependant le fait majeur, le fait de civilisation, c'est l'activité missionnaire de la plupart des grandes religions au cours de l'histoire, à travers le monde. Non de toutes les grandes religions : de celles qui ont vocation à l'universel (les religions ethniques ou nationales ne s'exportent pas ; si elles s'expatrient, c'est avec leurs membres et pour leurs membres). Non forcément à travers tous les continents (les styles de vie et de pensée, les modes de comportement n'ont pas tous la même efficacité comme modèles : certains d'entre eux peuvent investir d'immenses territoires et rester néanmoins régionaux). Bien que le bouddhisme, dès le iiie siècle de notre calendrier, ait réuni un concile pour lancer un programme missionnaire (dans les provinces indiennes et dans les pays limitrophes de l'Inde), on peut affirmer sans conteste que certaines religions dites du Livre (le judaïsme, car il a su, dans la période hellénistique n'être pas qu'ethnique ; le christianisme ; l'islamisme) ont été les plus ardentes à rayonner, parfois à conquérir ; on doit même accorder que pour des raisons diverses, dont certaines n'ont rien de spécifiquement religieux, c'est le christianisme qui a le plus diversifié ses points de diffusion et donc le mieux justifié ses prétentions à l'universalité. Cela explique que les développements qui vont suivre soient consacrés aux missions des confessions chrétiennes. La préférence donnée à celles-ci n'implique aucun jugement de valeur ; il y faut voir la reconnaissance d'un événement de culture. Au surplus, l'histoire des missions chrétiennes ayant été fort mélangée et le concept de mission faisant l'objet désormais d'un réexamen, on ne manquera pas d'être intéressé[...]
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Écrit par
- Jean BAUBÉROT : directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S.
- Henry DUMÉRY : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
- Antonin-Marcel HENRY
: religieux dominicain, ancien directeur de la revue
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