MISSIONS ARCHÉOLOGIQUES FRANÇAISES À L'ÉTRANGER
De l'archéologie au patrimoine
Tout pays possède aujourd'hui ses propres institutions patrimoniales – musées, chaires d'archéologie, service des antiquités. Accueillant les équipes françaises, chacun définit en contrepartie ses problématiques et formule ses exigences, qui dépassent souvent le cadre de la recherche sur le terrain. Toute activité archéologique s'effectue nécessairement en collaboration.
La formation des archéologues et la préservation des sites constituent deux des principales requêtes faites aux États fouillants, car le patrimoine est désormais partout perçu comme une promesse de développement durable. Au Maroc, cas unique, le ministère français des Affaires étrangères, par le biais du service de coopération culturelle qu'il a établi à Rabat, octroie des bourses aux étudiants désireux de travailler sur leur pays. L'intérêt pour le passé et le patrimoine archéologique ne peut que se développer car chaque site, en plus d'être un lieu de mémoire, représente une potentialité économique et financière. Les États en sont conscients et sollicitent en ce sens les équipes archéologiques en place. La restauration des sites de Delphes et Délos en Grèce, Karnak en Égypte, Mari et Ras Shamra en Syrie – pour ne citer que les plus prestigieux – est placée sous la responsabilité scientifique d'archéologues français. Souvent un mécène (telle la société Total en Syrie) constitue le troisième interlocuteur de cette coopération aux formes et aux enjeux multiples.
Associés aux conservateurs et architectes des Bâtiments de France, les archéologues sont également appelés à réfléchir à la restructuration de musées, à Addis-Abeba en Éthiopie, Damas en Syrie, ou encore Hanoï au Vietnam – voire à la création de musées de site, comme en Tunisie à Haïdra et en Jordanie à Jerash. D'autres programmes patrimoniaux dépassent davantage encore le champ de la recherche : au Yémen ou en Afrique subsaharienne, la demande de coopération porte ainsi sur des programmes de préservation du patrimoine bâti.
Souvent créés à la suite de l'indépendance du pays où sont effectuées les fouilles, les centres français de recherche relevant du ministère des Affaires étrangères sont aujourd'hui établis un peu partout dans le monde. Ils constituent une vitrine de l'archéologie française et fournissent aux institutions locales des interlocuteurs privilégiés. Les archéologues sont amenés à y côtoyer les représentants de disciplines complémentaires, désormais indispensables à la pratique de l'archéologie. Ainsi, l'Institut français d'études andines, fondé en 1948 à Lima, se présente désormais comme un lieu pluridisciplinaire, orienté aussi bien vers les sciences de l'homme que vers les sciences de la Terre et du vivant.
L'adaptation du métier d'archéologue, tel qu'il se pratique à l'étranger, aux sciences appliquées, s'explique aussi par le fait que la frontière y est moins nette entre fouilles programmées et fouilles préventives qu'en France, en raison de l'existence d'un Institut national de recherches archéologiques préventives. Les projets de construction de barrages en Turquie, Syrie et Irak, comme ailleurs des mouvements d'urbanisation croissante, conduisent les états à faire appel d'eux-mêmes à des équipes étrangères. En témoignent les fouilles d'urgence de Zeugma en Turquie et d'Alexandrie en Égypte, très largement médiatisées en raison de l'importance des découvertes qui y furent faites.
L'archéologie menée hors des frontières – qu'il s'agisse de la France ou d'autres États – se rapproche donc de l'expertise, confrontée sur place au poids et à l'imbrication d'enjeux patrimoniaux, financiers, économique et écologiques. Apportant un savoir-faire, elle doit cependant prendre garde[...]
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Écrit par
- Nicolas ENGEL : conservateur du Patrimoine au musée Cernuschi, Paris
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