MISSIONS
Exposé théologique
Ce qu'on ne peut voir, écouter, dire ou ordonner par soi-même, on l'envoie dire, voir, ordonner, entendre par quelqu'un. Cet envoyé (en hébreu shaliaḥ, en grec apostolos, en latin missus) s'appelle, selon les cas, émissaire, missusdominicus, légat, délégué, ambassadeur, héraut, mandataire, représentant.
L'apostolat dans la primitive Église
Le judaïsme rabbinique connaît l'institution d'envoyés officiels, les shelîḥîm (Actes, xxviii, 21). Paul aurait été l'un d'eux lorsqu'il demanda des lettres de créance pour les synagogues de Damas en vue de persécuter les disciples de Jésus (Actes, ix, 2). L'Église chrétienne hérite de cette coutume : de Jérusalem elle envoie Paul, Barnabé et quelques autres à Antioche, munis de leur lettre officielle (Actes, xv, 23). Le shaliaḥ s'appellerait aujourd'hui plénipotentiaire. Selon les rabbins, il doit être considéré comme le mandant lui-même.
Jésus, pour que l' Évangile soit annoncé, choisit douze apôtres qu'il envoie, à qui il donne « autorité sur tous les démons, pouvoir de guérir les maladies » (Luc, ix, 1) et mission de prêcher la pénitence en vue de la conversion. Il les revêt de son autorité : « Qui vous accueille m'accueille et accueille celui qui m'a envoyé » (Matth., x, 40). L'un d'eux, Pierre (Matth., xix, 19), puis les Douze (Matth., xviii, 18) reçoivent les clefs du royaume pour « lier et délier » en son nom. Peu importe ici que le mandat fût ou non temporaire : c'est le progrès de l'institution qu'il faut retenir. Pour le shaliaḥ juif, la représentation était une clause juridique ; pour l'apôtre, elle devient réalité : le maître agit en lui et par lui, dans ses paroles et dans ses actes. Après la Pentecôte, Jésus s'étant révélé comme « le Seigneur » de l'univers, c'est au monde entier que sont envoyés les Apôtres, avec pleins pouvoirs : « Tout pouvoir m'a été donné [...] ; allez donc : de toutes les nations faites des disciples [...]. Et moi je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles » (Matth., xxviii, 18-20).
La mission que donne le Christ, les Apôtres la tiennent de son Esprit, par un don particulier (I Cor., xii ; Rom., xii, 6-8 ; Éph., iv, 11). De là vient que certains, qui ne sont pas des Douze, reçoivent aussi, bien que de façon originale, la grâce et la charge d'apôtre : Paul, Matthias, Barnabé. Tels sont aussi, bien qu'à un moindre titre, leurs successeurs. Il y a cependant une différence essentielle entre les Apôtres – les Douze et Paul – et ceux qui viennent ensuite. C'est en effet sur la foi des Apôtres que l'Église est bâtie : ils en sont les pierres d'angle, les colonnes. Eux seuls ont été « inspirés » pour entendre et diffuser le message de Dieu dans le Christ. La révélation est close avec leur témoignage.
Aux successeurs est confiée la même charge – hormis cette « révélation première » – qu'aux Apôtres, comme on le voit par les lettres de Paul (I Tim., iii ; II Tim., i et ii ; Tit., i, 5). Les chefs des Églises reçoivent toute la réalité du don de l'Esprit communiqué aux Apôtres. Aussi est-ce le même programme apostolique qui se retrouve dans les paroles de Jésus aux Douze et dans les récentes instructions conciliaires aux évêques et aux prêtres (cf. Vatican II, Const. Lumen gentium, 22).
Appliquée aux Apôtres, puis à l'Église, la mission qui leur est confiée se répartit, selon la tradition, en trois fonctions essentielles : la charge prophétique, qui est d'annoncer au monde l'Évangile (c'est le ministère de la prédication) ; le ministère de la sanctification, qui est d'abord de « sanctifier le nom de Dieu », c'est-à-dire de reconnaître Dieu pour ce qu'il est, et aussi de consacrer les hommes à Dieu[...]
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Écrit par
- Jean BAUBÉROT : directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S.
- Henry DUMÉRY : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
- Antonin-Marcel HENRY
: religieux dominicain, ancien directeur de la revue
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