MITRA
Au sommet de la hiérarchie divine, le Veda, dans ses parties les plus archaïques (début du ~ IIe millénaire), plaçait l'Asura Varuṇa, à qui était attribué un coadjuteur en la personne du dieu Mitra. La situation était alors conforme au schéma indo-européen mis en évidence par Georges Dumézil ; la fonction magico-religieuse de souveraineté se trouvait, en effet, partagée entre deux personnes divines d'égale importance, mais spécialisées : à Varuṇa revenaient la coercition, la violence faite au pêcheur ; à Mitra la sérénité, la distribution des récompenses aux gens de bien, etc. Pourtant, parmi les mille hymnes du Rigveda, un seul est dédié à Mitra ; et les mythes et légendes qui le concernent se réduisent à très peu de chose. Le même phénomène s'observe en Iran, où l'Avesta place Ahura Mazda (autre nom de Varuṇa) au rang de Dieu suprême et « oublie » l'existence de Mitra (dont le nom n'apparaît jamais dans les gāthās).
Le culte de Mitra réapparaîtra en Iran au début de l'ère chrétienne et se répandra dans tout l'Empire romain ; mais le Mithra des mystères aura assimilé tant d'éléments non iraniens qu'il sera difficile de reconnaître en lui le Mitra archaïque du Veda et de l'Avesta.
En Inde, le destin du dieu est plus négatif encore : la révolution religieuse qui, à une époque impossible à préciser (peut-être le milieu du ~ IIe millénaire), fit d'Indra le roi de la création, rejeta Varuṇa au rang de simple « intendant » des dieux et réduisit à néant le rôle de Mitra : les parties les plus récentes du Veda font de lui une simple personnification de l'amitié (mitra devient, en sanskrit classique, un nom commun signifiant « ami »), et l'hindouisme classique l'ignore complètement. Il est facile cependant de constater que Viṣṇu a hérité de beaucoup de ses caractéristiques propres, à commencer par son aspect « solaire » et « bienveillant ».
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Écrit par
- Jean VARENNE : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III
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