MITSUNAGA TOKIWA (fin XIIe s.)
Un peintre de la cour
On retrouve la même indication dans un texte de 1549 qui cite l'artiste Mitsunaga Hideyoshi. Désireux de montrer que leur rôle dans l'atelier de la cour remontait au xiie siècle, les Tosa, à l'époque Edo, s'étaient annexé ce peintre en en faisant un Tosa Mitsunaga. Mais l'on sait, à présent, que les Tosa ne sont apparus que plus tard. Des études de textes très poussées ont permis au professeur Fukui Takayoshi de restituer le véritable nom du peintre. Il s'agit de Tokiwa Mitsunaga. En 1173, il fut désigné pour décorer les portes à glissière du Saishōko-in, monastère édifié par Go-Shirakawa pour son épouse Kenshun-mon-in. Il y avait représenté les visites de l'impératrice aux sanctuaires de Hie et de Hirano et celle de l'empereur au Koyasan, en collaboration avec Fujiwara Takanobu (1145-1206), artiste renommé pour ses portraits « à la ressemblance » (nise-e). Dans son journal intime, Fujiwara Kanezane (1147-1207), l'un des ministres de l'époque, relate l'indignation des courtisans quand, lors de l'inauguration du Saishōko-in, ils se virent représentés sous des traits caricaturaux ; il exprime sa satisfaction, n'ayant pas participé aux visites impériales, de ne pas figurer dans ces peintures. Mitsunaga est encore cité dans le journal intime de Yoshida Tsunefusa, qui fut un des chefs des gardes impériaux (kebishii) ; Mushakoji Minori a émis l'hypothèse de l'appartenance de Mitsunaga à cette garde impériale. Celle-ci était composée de cadets de grandes familles qui ne pouvaient accéder à un rang élevé dans la hiérarchie aristocratique. Réduits alors à un rôle purement cérémoniel, peu fortunés, les gardes, pour vivre et pour tenter d'être admis dans des cercles plus fermés, mettaient à profit leurs talents de poètes, de calligraphes ou de peintres. Leur rang inférieur leur permettait d'être en relation avec les artisans de la capitale. Cette position intermédiaire favorisait leur connaissance des mœurs de la cour, des bâtiments impériaux, des armures de la garde et de la vie populaire, dépeints avec une grande fidélité.
On observe le même souci d'exactitude et le même mouvement dans une œuvre contemporaine, le Ban Dainagon e-kotoba, que certains veulent attribuer à Mitsunaga. On y retrouve des scènes de rue, des mouvements de foule auxquels se mêlent des kebishii, en même temps que des intérieurs aristocratiques où les visages des femmes sont traités de façon très réaliste. Les cortèges de cavaliers sont également scandés par des allées d'arbres. Bien qu'il soit difficile de comparer un original avec des copies tardives, les traits semblent plus fins et plus souples que dans le Nenjū gyōji.
Il semble impossible de conclure. Tout au plus peut-on estimer que ces deux œuvres appartiennent à un même courant et reflètent les années difficiles qui virent se jouer le destin d'une aristocratie efféminée et la victoire des guerriers Minamoto parvenus au pouvoir en 1185.
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Écrit par
- Madeleine PAUL-DAVID : ancien maître de recherche au CNRS, professeure honoraire à l'École du Louvre, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet
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