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MIYOSHI TATSUJI (1900-1964)

Les débuts de Miyoshi Tatsuji coïncident avec la période d'effervescence qui marque, à la fin des années vingt, les arts et la littérature du Japon. Il termine des études de littérature française à l'université de Tōkyō quand il participe, en 1928, à la fondation de la revue Shi to shiron (Poésie et poétique), qui fera date. Il traduit des poèmes en prose de Baudelaire, entreprend en commun avec Kobayashi Hideo une version des Fleurs du mal. Son premier recueil poétique, Sokuryōsen (Le Navire océanographique), en 1930, est l'une des réussites les plus éclatantes de la nouvelle génération.

Bientôt, il s'écarte de cette orientation « moderniste ». La revue Shi genjitsu (Poésie-réalité), à laquelle il apporte son concours actif, récuse les perspectives du surréalisme. Il se consacre au travail de traducteur qu'il a choisi en guise de profession et quitte Tōkyō pour s'établir sur le haut plateau de Shiga. Pendant plusieurs années, il cultive le genre du quatrain (Nansō-shū, 1932, Fenêtre du sud ; Kanka-shū, 1934, Entre les fleurs ; Sanka-shū, 1935, Fruits de la montagne). Son regard scrute les choses. La brièveté, la fixité de la forme lui sont une ascèse et une promesse. Il rêve de mots qui s'identifieraient avec la réalité elle-même. En fait, il s'attache de plus en plus au matériau qu'il emploie, à la sonorité des syllabes, au pouvoir de suggestion des caractères chinois. Il atteint un large public : le volume Haru no misaki (Cap du printemps), où sont réunies ses quatre premières œuvres, est tiré à plus de 200 000 exemplaires.

Il a abandonné le langage parlé et se plonge dans l'étude de la tradition classique, celle de la Chine (en 1952, il fera paraître, en collaboration avec l'éminent sinologue Yoshikawa Kōjirō, Shintōshisen, Nouveau Choix de poèmes des Tang) et celle de son propre pays. Il ne cède pas à un vain souci d'érudition : ce travail lui semble alors le seul recours. Il s'enfonce dans un mouvement de retraite intérieure (Kusasenri, 1939 ; Asana-shū, 1943, Plantes du matin ; Suna no toride, 1946, Forteresse de sable).

L'obsession du « voyage », la condition précaire du « voyageur » sont rappelées sans cesse, jusque dans ses derniers poèmes. Après la guerre, pourtant, il reprend goût aux expériences formelles et son ironie se donne libre cours (Rakuda no kobu ni matagatte, 1952, Entre les bosses du chameau).

Ses dons d'écrivain s'affirment aussi dans le domaine de la prose. Il compose des textes très divers, de sujet et de ton : essais, souvenirs, récits, réflexions sur la poésie (Tōkyō-zakki, 1950, Notes de Tōkyō ; Robō no aki, 1958, L'Automne au bord du chemin ; Hagiwara Sakutaro, 1963 ; Sōjōki, 1963, Écrit sur l'herbe). La phrase progresse lentement, avec des détours, des redites, des hésitations et de soudaines éclaircies. Le lecteur qui s'y engage avance pas à pas, comme sur un sentier de montagne.

— Jean-Jacques ORIGAS

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales de l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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