MIZUNO TADAKUNI (1794-1851)
Homme d'État japonais. Né à Karatsu, ville située sur la côte nord de l'île de Kyūshū, Mizuno Tadakuni faisait partie d'une des familles de daimyō les plus liées aux Tokugawa par la fidélité dans le service vassalique. Karatsu était un fief riche, dont les revenus seigneuriaux atteignaient peut-être le triple ou le quadruple de la valeur déclarée ; cependant, son titulaire qui assumait une part importante de la garde de Nagasaki ne pouvait prétendre occuper les postes élevés du gouvernement shōgunal. Ambitieux, Tadakuni, devenu lui-même daimyō à dix-huit ans, demanda le transfert de son fief, préférant la promotion à la rémunération. Satisfaction lui fut donnée en 1817, lorsqu'il fut nommé daimyō de Hamamatsu, près de Shizuoka : son nouveau fief était certes moins avantageux, mais, dégagé de son service de garde, il pouvait désormais briguer les plus hauts offices. Il devint successivement gouverneur d'Ōsaka, puis de Kyōto. Dans la capitale impériale, il cultiva ses relations avec la cour, préparant ainsi son élévation dans les grades de la noblesse. Tadakuni fut promu conseiller auprès du fils héritier du shōgun et enfin, en 1834, rōjū, membre du grand conseil du bakufu, c'est-à-dire du gouvernement shôgunal. Le shōgun Ienari ne céda sa place à son fils Ieyoshi qu'en 1837, après avoir gouverné pendant cinquante ans. Il n'en continua pas moins à imposer des dépenses au bakufu, par goût de magnificence, et en dépit des famines qui éprouvaient le pays depuis 1831. Tadakuni dut attendre sa mort, en 1841, pour appliquer les projets de réforme qu'il tenait prêts depuis longtemps. Pour commencer, il abolit les organisations de commerçants, d'artisans et de transporteurs : il entendait ainsi mettre fin aux privilèges des grandes corporations, dans le but de soumettre directement les travailleurs au pouvoir gouvernemental. Puis il fit entreprendre l'assèchement et le drainage de l'Imba-numa, un grand étang qui se situait à une quarantaine de kilomètres à l'est d'Edo, afin de livrer de nouvelles terres à la culture du riz. Enfin, il voulut faire procéder au regroupement des fiefs parcellaires, dans un premier temps autour d'Ōsaka, mais dans l'intention de poursuivre autour d'Edo et dans tout le Japon ce redécoupage des domaines seigneuriaux. L'objectif de cette opération était d'ordre fiscal. En effet, les taux de redevances pratiqués dans les fiefs des daimyō étaient d'une façon générale plus avantageux pour le seigneur que dans le domaine du shōgun : il s'agissait donc de confisquer les parcelles isolées de fiefs au profit du shōgun, en cédant en échange des terres du domaine shōgunal, si possible mitoyennes du fief principal du daimyō lésé. Il va sans dire que la résistance des daimyō fut vive, jusque dans le grand conseil du bakufu, et Tadakuni dut démissionner en 1843. Les travaux de l'Imba-numa, plus qu'à moitié achevés, durent être abandonnés. Or, Tadakuni avait été au pouvoir pendant que la guerre de l'opium éprouvait la Chine, et il avait œuvré pour renforcer la défense du Japon, sans hésiter à recourir aux méthodes militaires hollandaises. Lorsque Guillaume II, roi des Pays-Bas, écrivit à Ieyoshi pour lui conseiller d'ouvrir le Japon sans attendre les menaces des puissances occidentales, le shōgun rappela Tadakuni au pouvoir. Tadakuni aurait alors émis l'avis qu'il était préférable de prêter attention aux avertissements du roi des Pays-Bas. C'est probablement pour cette raison qu'il fut une seconde fois victime de la cabale de ses collègues et déchu en 1845, pour demeurer hors du pouvoir jusqu'à sa mort. Seule décision maintenue, parmi ses réformes, l'interdiction des corporations fut levée en 1851. L'absence des corporations avait d'abord désorganisé le commerce, mais en dix ans, un nouveau réseau d'échanges de marchandises avait pu se mettre en place. La réhabilitation des corporations a pu provoquer la promotion d'organisations relativement modestes.[...]
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Écrit par
- Paul AKAMATSU : directeur de recherche au CNRS
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