MOBILISATION DES RESSOURCES
L'approche entrepreneuriale
Partant du postulat de la rationalité de l'acteur, « en ce sens que leurs objectifs, égoïstes ou altruistes, doivent être poursuivis par des moyens efficaces et adaptés aux buts qu'on se propose », Mancur Olson a mis en évidence les obstacles logiques à l'action collective. Même s'il est dans l'intérêt des individus de s'associer pour obtenir un bien bénéfique à tous, explique-t-il, ils ne le feront pas la plupart du temps car chaque individu sera tenté d'adopter une stratégie de « ticket gratuit », c'est-à-dire de compter sur l'action des autres membres du groupe, puisque c'est le propre du bien collectif que de ne pouvoir être refusé à un individu du moment qu'il est acquis. Par ailleurs, même s'il n'adopte pas cette attitude de consommateur égoïste, il est peu probable qu'un individu raisonnable fasse un sacrifice individuel au résultat imperceptible, voir nul.
Seules certaines conditions spécifiques permettent de résoudre ce paradoxe de l'action collective. C'est le cas notamment dans les petits groupes, où un individu peut avoir intérêt à supporter seul les coûts d'obtention du bien collectif. Dans les grands groupes, cet obstacle peut être surmonté lorsque s'ajoutent au bénéfice collectif des incitations individuelles à l'action, qu'elles soient positives (récompenses) ou négatives (sanctions). En mettant ainsi au jour les difficultés de la mobilisation, Olson montre que l'on ne peut confondre ou assimiler rationalité individuelle et rationalité collective. En ce sens, il renvoie dos à dos la théorie pluraliste tout comme la théorie marxiste, lesquelles voient dans l'intérêt bien compris le principe de l'action des associations ou des classes sociales.
Par rapport au travail d'Olson, l'originalité de l’ouvrage Social Movements in an Organizational Society, rédigé en 1987 par John McCarthy et Mayer N. Zald, est d'avoir concentré leur réflexion sur les ressources elles-mêmes, leurs modes d'acquisition par les organisations et leur utilisation stratégique. Selon eux, l'étude de l'agrégation des ressources (argent et temps) est cruciale pour la compréhension de l'activité des mouvements ; or ce processus d'agrégation n'est possible que s'il existe une organisation préalable. Voilà pourquoi l'attention se focalise plus sur ces organisations que sur la participation individuelle dont on se contente de dire qu'elle dépend d'abord des coûts et des bénéfices anticipés de l'action. Systématisant l'approche économique d'Olson, les deux auteurs appliquent aux organisations une logique de l'offre et de la demande métaphoriquement identique à celle de la théorie libérale de l'économie. Entendus comme des structures de préférences orientées vers le changement social, les mouvements sociaux se concrétisent à travers des entreprises de mobilisation qui identifient leurs buts à ces préférences et essaient de les promouvoir. L'ensemble des entreprises partageant le même type de valeurs et de revendications se regroupent au sein d'une industrie tandis que le secteur du mouvement social réunit toutes les industries. Au sein d'une organisation, les acteurs essentiels sont les membres pourvoyeurs de ressources (constituents) plutôt que les adhérents (ceux qui croient aux buts assignés par le mouvement mais n'ont pas de ressources). Plus encore, ce sont les membres par conscience (conscience constituents), c'est-à-dire les membres disposant de ressources et n'ayant pas de bénéfice personnel à retirer de l'action qui font le succès d'une organisation. En effet, ce sont ceux qui disposent le plus de ressources discrétionnaires à consacrer au mouvement.
Cette hypothèse vise[...]
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Écrit par
- Olivier FILLIEULE : professeur de sociologie politique au Centre de recherche sur l'action politique de l'université de Lausanne (Suisse), directeur de recherche au CNRS
Classification
Autres références
-
ACTION COLLECTIVE
- Écrit par Éric LETONTURIER
- 1 466 mots
...initiales. Rompant avec la forte tendance à interpréter l'éclosion de l'action collective sur le mode de l'explosion imprévisible, cette théorie dite de la mobilisation des ressources prend également le contre-pied des thèses défendues par les penseurs de la société de masse : c'est moins la prétendue désintégration...