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MODALITÉ, linguistique

Terme de logique dont la linguistique fait deux emplois relativement distincts : pour A. Martinet, le mot désigne les déterminants grammaticaux du nom et renvoie à la classe des « actualisateurs » défini, indéfini, singulier, pluriel. Cette acception repose sur la distinction saussurienne entre langue et parole : pour devenir des éléments du discours, les noms sont soumis à la nécessité de passer du virtuel au réel ; autrement dit, ce qui est dans la langue tel quadrupède avec ses propriétés, mettons /cheval/, sera, en fonction de la situation où je parle, soit « le cheval » (la classe ou l'individu), soit « un cheval ».

L'autre acception reprend les distinctions de la logique classique, qui ont été déjà analysées par Aristote et, depuis, restent toujours au cœur des problèmes du jugement : lorsqu'un prédicat se trouve affecté d'un élément qui lui est conjoint et qui, sans en modifier le sens, a néanmoins pour effet de faire passer sur lui-même l'assertion principale, on dit que l'énoncé est modalisé. Ainsi, la différence entre « il pleut » et « il doit pleuvoir » tient à ce que, d'un côté, la vérité logique, indépendamment de la réalité de fait, s'oppose, de l'autre, à l'incertitude du locuteur. C'est cette attitude qui constitue la réalité prédiquée et porte l'accent : « Je ne saurais me prononcer, mais il y a de fortes chances pour qu'il pleuve. » L'importance des modalités dans la langue est fondamentale du double point de vue de la description grammaticale (quelles sont les unités morphologiques qui traduisent les modalités ?) et de la construction du modèle (quelle interprétation sémantique donner à ces universaux de pensée mettant en jeu la structure primitive du jugement modalisé ?). La logique retient classiquement les modalités apodictiques et les modalités problématiques : les premières concernent les modes du nécessaire et de l'impossible, les autres le possible et le contingent. On oppose parfois modal à assertorique, le degré zéro de la modalité, l'assertion nue.

Dans la langue, c'est le plus souvent aux adverbes qu'est dévolue la fonction modale (« nécessairement », « peut-être », ...), mais beaucoup d'autres classes grammaticales peuvent être requises pour l'exprimer : les verbes « pouvoir », « devoir », qui dans bien des langues présentent des caractéristiques de conjugaison particulières, en sont les formes principales ; c'est une question non résolue de savoir si « vouloir », dont la morphologie est également dans ces langues relativement marquée, fait partie des modaux ou s'il s'agit d'un verbe à statut plein comme « désirer » ou « souhaiter » ; on peut citer également certains emplois modaux de l'adjectif (« véritable », ...), qui sont autant de façons pour le locuteur de souligner le prédicat.

Dans le modèle transformationnel, on considère que la modalité est un des éléments par lesquels se récrit le verbe, de même que le temps et l'aspect ; cette présentation, toutefois, ne convient parfaitement qu'aux langues où l'auxiliaire modal est un morphème (may, can, ...) : elle laisse dans l'ombre la portée générale de la modalisation comme opération primitive. Pour élaborer une théorie qui puisse satisfaire à une description universelle, il faudrait avoir à sa disposition un modèle de l'énonciation capable d'intégrer le sujet avec ses différentes composantes (affectives et notionnelles) dans son comportement face au discours : ce qui rend la question délicate est l'impasse où l'on se trouve, à savoir la nécessité d'aborder les problèmes linguistiques par l'intermédiaire du discours, précisément sans pouvoir poser un ordre qui soit antérieur à ce discours ou caché par lui ; mais c'est aussi[...]

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