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MODALITÉS, logique

La notion logico-linguistique de modalité désigne, au sens classique, toutes les modifications du sens d'une proposition par des expressions permettant d'asserter cette proposition comme nécessaire, possible, impossible ou contingente. Elle est alors dite aléthique et a été étudiée, depuis Aristote, par les philosophes et les logiciens dans le cadre de la logique modale, qui a connu un renouveau important au xxe siècle. On appelle également « modalité », au sens large, toute modification quelconque du sens d'une proposition, soit par adjonction d'adverbes, soit par subordination de cette proposition à certains verbes ou formes verbales. Les modalités non aléthiques sont, par exemple, les modalités déontiques (« il est permis que », « il est obligatoire que ») et les modalités épistémiques (« croire que », « savoir que »). Elles ont donné lieu à des logiques spécifiques. Traditionnellement, les notions modales ont été rejetées aux frontières de la logique classique du vrai et du faux, parce qu'on les a jugées obscures. Mais elles recouvrent certains des concepts et des problèmes les plus riches et les plus difficiles de la philosophie.

La question philosophique porte sur le sens et la justificationmétaphysique de ces notions : y a-t-il dans le monde des faits ou des propriétés modales, ou bien ceux-ci sont-ils relatifs à notre connaissance ou au langage ? Y a-t-il des vérités nécessaires et quelle est leur nature ? Comment les diverses conceptions de la nécessité et de la possibilité conditionnent-elles les réponses que les philosophes donnent à des problèmes classiques comme celui du déterminisme et du libre arbitre et les systèmes qu'ils fondent sur ces notions ?

La notion logico-linguistique de modalité

Traditionnellement, logiciens et philosophes appellent modalité toute modification d'une proposition par une expression de nécessité, de possibilité, d'impossibilité ou de contingence. Syntaxiquement, les expressions modales sont des fonctions qui, attachées à des phrases, forment des phrases (ainsi « nécessairement » attaché à la phrase « 2 + 2 = 4 » forme la phrase « nécessairement 2 + 2 = 4 »). Mais elles diffèrent d'autres fonctions, comme la négation, parce qu'elles ne sont pas des fonctions de vérité, c'est-à-dire ne sont pas « extensionnelles » (mais « intensionnelles »), au sens où la vérité ou la fausseté d'un énoncé modal ne dépend pas seulement (comme pour la négation) de la vérité ou de la fausseté de l'énoncé originel. Certes, si p est faux, « nécessairement p » l'est aussi, de même que si p est vrai « il est possible que p » l'est aussi, mais si p est faux, il peut, ou peut ne pas, être possible que p. Dans les langues naturelles, de nombreuses expressions, autres que celles exprimant la nécessité, la possibilité ou la contingence, sont intensionnelles en ce sens et modifient le sens des propositions déclaratives : la plupart des adverbes (« rapidement », « sciemment », « bien »), certains verbes introduisant ou non des clauses complétives (« croire que », « souhaiter que », « pouvoir », « vouloir », « il est permis que »), les expressions du temps verbal (« il s'est trouvé que », « il se trouvera que »), des modes (« je cherche un emploi qui me permette de... »), ou, dans certaines langues, de l'aspect.

Il est donc tentant de généraliser la notion de modalité au-delà des modalités classiques ou « aléthiques » (nécessaire, possible, contingent), en l'étendant à tous les cas où une assertion simple se trouve modifiée, selon l'expression de Benveniste, par « une assertion complémentaire portant sur l'énoncé d'une relation » (Problèmes de linguistique générale, vol. II, Gallimard, Paris, 1974).[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences de philosophie, université de Grenoble-II et C.N.R.S

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Carré des modalités - crédits : Encyclopædia Universalis France

Carré des modalités

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