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MODALITÉS, logique

La logique modale traditionnelle

La logique modale est née de l'intérêt qu'ont manifesté les philosophes, dès l'Antiquité, pour les notions de nécessité et de possibilité, et pour une élucidation de leurs fonctions dans le discours. Le fondateur de la logique modale proprement dite est Aristote, qui l'aborde dans le De interpretatione (paragr. 12 et 13) et dans les Premiers Analytiques (I, 3 et 13 ; I, 8-22). Dans le De interpretatione, Aristote se demande quelles sont les négations d'énoncés modaux et soulève, à ce propos, la question de savoir si la modalité porte sur le prédicat ou sur la phrase entière. Sa réponse sur ce second point n'est pas nette. Les médiévaux distingueront clairement le cas où les modalités modifient une proposition complète (« nécessairement l'homme est animal ») – en ce sens, la modalité est dite de dicto (ou in sensu composito) – du cas où la modalité porte sur le prédicat (« l'homme est nécessairement animal ») – en ce sens la modalité est de re (ou in sensu diviso) et qualifie le type d'inhérence du prédicat au sujet. Mais Aristote ne formule pas explicitement cette distinction et adopte tantôt la première, tantôt la seconde interprétation, qui lui ont été respectivement attribuées par les commentateurs. Une autre possibilité, suggérée par Granger (1976), serait qu'Aristote traite les modalités non pas comme des opérateurs, mais comme des prédicats métalinguistiques portant sur ce qui peut être dit d'un sujet, et non pas sur ses propriétés inhérentes. Aristote distingue néanmoins toujours la nécessité comme apodicticité, qui qualifie le lien entre les prémisses et la conclusion d'un raisonnement syllogistique, et qui est une relation entre des propositions, de la nécessité ontologique, qualifiant des relations d'inhérence entre les entités dénotées par des termes, c'est-à-dire des substances et leurs attributs.

Carré des modalités - crédits : Encyclopædia Universalis France

Carré des modalités

Aristote établit les combinaisons des propositions modales et, en particulier, les équivalences et implications auxquelles elles donnent lieu, que les médiévaux figureront dans un « carré des modalités ».

Aristote distingue deux sens du possible, le possible au sens large, ou l'absence de nécessité (au sens où on dit qu'un homme peut marcher ou ne pas marcher), du possible au sens étroit, qui désigne ce qui arrive « le plus souvent » (au sens où on dit que le feu peut chauffer), sans que les termes (endekomenon et dunaton) qu'il emploie désignent toujours l'un ou l'autre. Les médiévaux appelleront contingent (contingens) tantôt l'un (au sens (5) de la conjonction de (3) et (4)), tantôt l'autre. (1) implique (3), et (2) implique (4), mais pas conversement (subalternation), et (1) implique que p est vrai (ab oportere esse ad esse valet consequentia) ; (2) implique que p est faux, et la fausseté de p implique (3) (ab esse ad posse valet consequentia). (1) et (4), et (2) et (3) respectivement sont contradictoires (si l'un est vrai, l'autre est faux).

Aristote reconnaît l'existence de nombreuses autres lois modales (comme la non-équivalence de « Il est nécessaire que p ou q » et de « Il est nécessaire que p ou il est nécessaire que q »), mais sa contribution principale est la théorie des syllogismes modaux, répertoire de toutes les formes valides de raisonnement syllogistique combinant des prémisses modales ou non modales (assertoriques) ayant une certaine quantité et qualité pour obtenir des conclusions modales ou assertoriques, comme la forme en BARBARA : « Nécessairement, tout A est B ; tout B est C ; donc nécessairement tout A est C. » Le nombre de ces combinaisons est vaste (812), et la théorie de la conversion parallèle à celle des syllogismes ordinaires est complexe et révèle beaucoup d'ambiguïtés (voir Kneale& Kneale, 1962 ;[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences de philosophie, université de Grenoble-II et C.N.R.S

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Carré des modalités - crédits : Encyclopædia Universalis France

Carré des modalités

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